Vengeance
Sur les trottoirs de Macao, il a presqu' un air de lobotomisé. A vrai dire, Johnny Hallyday campe un drôle de samouraï dans le fulgurant "Vengeance ", du cinéaste hongkongais Johnnie To... Du célèbre personnage de Melville interprété par Alain Delon, il a certes gardé l'imper et le nom, mais pour le reste, le visage émacié du chanteur-acteur donne surtout à voir une sorte de mythe ébréché et post-guignolisé.
La belle idée du film, en fait, c'est que Johnny perd la mémoire. Johnny est "alzheimérisé" à cause d'une balle perdue qui lui a un peu déglingué le cerveau autrefois... Au départ, il débarque à Macao puis à Hong Kong pour venger le massacre, par une triade, de son gendre et de ses petits-enfants, sauf qu'à un moment du film il ne sait même plus ce que ça signifie, la vengeance... Et en plus, il est obligé de photographier ses acolytes pour les reconnaître.
On est de plein coeur avec lui, d'autant plus qu'il faut bien admettre qu'il nous arrive nous aussi, face à certains films asiatiques, d'être complètement largué et de ne plus parvenir à savoir qui est qui et qui fait quoi...! Johnny largué, donc... Johnny débranché... Plus de passé, plus d'avenir... Si encore il comprenait le chinois ! Mais non ! Trop ringard, le samouraï du pays du camembert... Johnnie To du même coup l'abandonne sur une plage aux deux-tiers du récit, laissant les gars de Macao règler leurs comptes à ceux de Hong Kong et vice-versa.
Côté mise en scène, le spectateur en prend alors plein la figure, surtout dans la séquence de la décharge où, fouettés par un vent d'enfer, les tueurs se déplacent derrière des ballots de vieux papier... Et puis, tel un greffon finalement opérationnel, le "lonesome frenchie " réussit un retour gagnant à la toute fin du film, avec là encore une sublime idée de mise en scène autour d'autocollants collés sur le manteau de l'homme à abattre de manière à ce que Johnny puisse reconnaître sa cible... On l'aura compris: si le scénario de "Vengeance " louche plutôt vers le décharné, on est en revanche encore une fois scotché par la densité de l'écriture, les trouvailles visuelles et le constant deuxième degré avec lequel Johnnie To réingurgite l'imagerie de notre Johnny national tout en phagocytant, comme à son habitude, les codes du western et du film noir, donnant ainsi matière à un nouveau coup d'éclat cinématographique.
Vengeance, de Johnnie To (Sortie en salles le 20 mai)... A signaler également la sortie en juin, chez TF1 Vidéo, d'un coffret DVD de quatre films de Johnnie To, dont le célèbre diptyque "Election 1" et "Election 2". Coup de projecteur sur TSF, lundi 25 mai, à 8h30, 11h30 et 16h30, avec le cinéaste Alain Corneau, grand admirateur de Johnnie To.