Dimanche 27 avril 2008 par Ralph Gambihler

Une ombre, sans doute

Bienvenue chez les Ch'tis, vraiment ? Ce qui est sûr en tous les cas, c'est que lorsque le narrateur de "Une ombre, sans doute" revient dans son village du Nord pour éclaircir le suicide de ses parents, il va tomber dans une véritable marmite de secrets de famille hérités de l'an 40. Embarqué dans un train fantôme dont le rythme s' accélère de page en page (Un atelier de couture en grève en plein Front Populaire, les JO anti-fascistes de Barcelone au moment de la guerre d'Espagne, la Nuit de Cristal, la Résistance dans le Nord-Pas de Calais), le lecteur découvre, peu à peu, que l'essentiel de l'intrigue tourne autour d'un mystérieux espion anglais un peu trop cool pour ne pas se méfier...

Après "Effroyables Jardins", Michel Quint carbure ici à nouveau aux années noires, mais il décline ça sur le mode du polar, avec des mystères aussi épais que la part de ténèbres de chacun de ses personnages. Le narrateur lui-même n'est pas un enfant de choeur. Les fils de sa mémoire, entrelacés dans l'utopie d'une famille rêvée et la multitude d' anti-héros qui lui éclate finalement à la figure, ne permettent certainement pas de faire briller sa prose "à coups de petites phrases qui ciraient le passé comme des chiffons doux", comme il l'écrit à un moment du livre.

Il en ressort un récit haletant, souvent picaresque, jamais glauque, et dont la complexité est enserrée par une intrigue maîtrisée de bout en bout. A vouloir emprisonner les ombres du passé, on se retrouve souvent le bec dans l'eau, nous dit Michel Quint, jusqu' à dénicher, au hasard des pages, un "salaud" d' Allemand qui se révèle peut-être le plus "'Juste" de tous les personnages. La roue tourne décidément bien vite dans ce roman-tourbillon, mais attention: ça tourne lentement au départ, et puis ça tourne de plus en plus vite... Rien à voir, en même temps, avec une littérature qui tourne en rond.

Une ombre, sans doute (Editions Joëlle Losfeld), de Michel Quint