Un Conte de Noël
La critique est enthousiaste, et pourtant ce n'est pas une mince affaire que de transmettre tout ce qu'il y a de secrètement époustouflant dans le nouveau film d'Arnaud Desplechin... Ceux qui n'aiment pas auront plus de facilité: "Trop long !", "Trop psychotique !", "Trop décousu !"... Il est également possible qu'on reproche à Desplechin d'être désormais parfaitement intégré dans la "grande famille " du cinéma français, comme en témoigne sa science du casting, habilement équilibré entre grandes stars, comédiens confirmés et nouveaux talents.
Ce syndrome de la "grande famille" est d'ailleurs le sujet même du film, avec dans la foulée un très joli arbre généalogique dans le dossier de presse. Heureusement que l'arbre (généalogique) ne cache pas la forêt... "Un Conte de Noël" est un film qui nous emmène dans des chemins de traverse, des broussailles luxuriantes, des buissons ardents...
Il y a la trame de départ, basée sur la demande de greffe de Catherine Deneuve que seul, finalement, son fils maudit et rejeté (Mathieu Amalric) va être en mesure de sauver, et puis il y a le reste, et notamment la tonalité du film, entre tragédie grecque et comédie vacharde... Poignant et cocasse, bergmanien et enjoué, lyrique et sautillant, quotidien et mythologique, "Un Conte de Noël" se déploie avec une incroyable énergie dans de multiples directions qui semblent finalement converger vers le couple Mathieu Amalric/Emmanuelle Devos...
Ces deux là, on y revient, appartiennent depuis longtemps déjà à la famille Desplechin. Mais dans le film, ils sont complètement extériorisés par rapport aux autres personnages. Lui, c'est le rebelle, le type infernal, le fils maudit, bâtard en puissance... Elle, c'est l'étrangère, à la fois distante et directe... Pas sûr qu'elle tienne le coup, dans ce réveillon de Noël qui lui paraît aussi goy que gore. Emmanuelle Devos n'a plus le premier rôle, comme dans "Rois et Reines", et elle y gagne monstrueusement en cinégénie. Elle revient à ce que Jean-Pierre Léaud disait de Delphine Seyrig dans "Baisers Volés": "Ce n'est pas une femme, c'est une apparition! ".
Fermetures à l'iris, grandes nappes musicales, passion des actrices (outre Deneuve et Emmanuelle Devos, Anne Consigny incarne le personnage le plus douloureux du film, tandis que Chiara Mastroianni prend une importance décisive dans la dernière partie), le fantôme de François Truffaut ne cessera décidément jamais de planer sur Arnaud Desplechin. Le réalisateur de "Deux Anglaises et le Continent" avait lui aussi, il faut le dire, le sens du tragique et du dérisoire. Et cette même capacité à produire un cinéma qui aide à vivre.
Un Conte de Noël, d'Arnaud Desplechin (Sortie en salles le 21 mai) Coup de projecteur le 19 mai à 6h30, 8h30, 13h et 17h avec Anne Consigny