The Card Counter
Si son envoûtant Mishima a pu constituer le lointain point d'orgue d'une filmographie déclinante, le cinéma de Paul Schrader se complaît désormais dans une lividité en phase terminale.L'insignifiant The Canyons en résumait déjà l'impasse malgré le concours de Bret Easton Ellis. Dernières cartes -et toujours mauvaise pioche- avec The Card Counter et son scénario flemmard qui entremêle trauma irakien et parties de poker...
Oscar Isaac y campe avec un certain magnétisme, admettons-le, un reclus du tapis vert allergique à toute interaction avec le monde qui l'entoure, vautré dans sa routine de joueur professionnel, fuyant le moindre éclat jusqu'à emballer avec du drap blanc le mobilier par trop coloré des motels où il réside entre deux casinos.
Deux présences extérieures le tirent pourtant de sa léthargie: une manageuse de joueurs dont l'humour et les attraits matures lui font soudain sentir qu'il a un cœur gros comme ça, et un jeune benêt qui veut jouer les roquets dont il a bien connu le père lorsque tous deux officiaient dans la tristement célèbre prison d'Abou Ghraïb, en Irak...
Le fil de la vengeance rattrape peu à peu notre joueur de cartes avec dans le rôle du méchant William Dafoe, le tortionnaire en chef de l'époque. Notre attention, hélas, a pris depuis longtemps la poudre d'escampette tant les personnages manquent d'intérêt. Narrativement inerte ou presque, le film ne paraît trouver sa justification que dans sa mise en scène monacale, toute en géométrie froide et plombée de prétentions existentielles. Seul petit souci: Schrader, qui osait encore faire il y a peu la leçon à Clint Eastwood, n'est pas Jean-Pierre Melville. C'est sa rature.
The Card Counter, Paul Schrader (Sorti en salles ce 29 décembre)