Terraferma
Il ne connait pas les accords de Schengen, le pêcheur-patriarche de "Terraferma". Il sait encore moins s'il faut ou non les réviser, ces fameux accords sur le contrôle des frontières dont on parle tant en ce moment. Lorsqu'une barque de migrants fait naufrage près de son bateau, l'homme à la tronche d'ermite n'hésite pas un instant, sous le regard de son petit-fils, à jouer les Saint-Bernard. C'est inscrit dans ses gênes, et puis de toute façon, ils ont tous le même code, les vieux loups de mer : impossible, pour eux, de ne pas porter assistance à des personnes en train de se noyer.
Ainsi débute le propos d'Emmanuel Crialese, qui s'est inspiré des odyssées de Lampedusa, au large de la Sicile, pour évoquer la résistance d'une famille, puis d'un village, dans une petite île envahie par les touristes et où l'Europe-forteresse ne saurait tolérer le moindre surplus migratoire. Le réalisateur de "Respiro" en profite pour questionner, au-delà du devoir de solidarité, le choc entre tradition et modernité. Sa mise en scène emprunte à une sorte d'évangile qui enlève, parfois, un peu de finesse à ses personnages. "Terraferma" est en même temps un film solaire et poignant dont la poésie naturaliste rappelle, dans ses meilleurs moments, un certain Roberto Rossellini.
"Terraferma", d'Emmanuel Crialese (Sortie en salles le 14 mars)