Lundi 23 mars 2015 par Ralph Gambihler

Temps glaciaires

Saint-Just l'avait dit en son temps: la Révolution est glacée. L'Islande aussi, ajoute Fred Vargas dont le nouvel opus est propice à un double terrain de jeu: un îlot d'Islande suffisamment perdu pour abriter jadis un drame bien embrumé, mais aussi une société déjantée de robespierristes reconstituant les séances enflammées (là, déjà, on s'éloigne du cliché glaciaire...) de l'An II à la Convention.

Que vient faire une guillotine dans un drame islandais et de quel théâtre d'opérations relève le tueur qu'Adamsberg pourchasse ? Malicieuse question que Fred Vargas déploie avec toujours ce grain de fantaisie et de poésie qui rend son écriture souriante mais jamais anecdotique.  Son commissaire préféré, qui a beau ne rien connaître des hauts faits d'armes qui participèrent de l'aurore tragique de la République (il va même jusqu'à rebaptiser Dumoulins le malheureux Camille !) aura l'intuition requise pour comprendre que la La Terreur, après tout, n'est peut-être pas là où on l'imagine de prime abord.

Il lui faudra fournir, cependant, bien des efforts pour débroussailler cette fameuse "pelote d'algues" à la fois compacte et coriace à laquelle ressemble son enquête. Sans compter sur l'adjoint mal embouché, l'érudit et blafard Danglard, tellement revitalisé au contact des révolutionnaires d'antan qu'il en perd toute  efficacité.

Heureusement qu'il est là, en même temps, Danglard... "L'esprit de Robespierre était philanthrope, croyez m'en", lui fait dire Fred Vargas. "Le bonheur des humbles, la subsistance pour tous, l'abolition de l'esclavage, la suppression de la peine de mort -oui, parfaitement- le suffrage universel, un statut honorable pour tous les conspués, pour les Noirs, les Juifs, les bâtards, et la perfection 'sublime' sur cette terre"... Polar acidulé ? Roman citoyen, surtout.

Temps glaciaires, Fred Vargas (Flammarion)