Jeudi 24 mai 2012 par Ralph Gambihler

Sur la route

Des mots qui brûlent, un écran plat. Des pages qui jazzent, une mise en scène anti-swing. Un précipité d'avant-garde sur le plan littéraire, un monument d'académisme en termes cinématographiques. Walter Salles, qui avait si bien su marier transe et transhumance dans "Une famille brésilienne" , sorti il y a deux ans, se plante malheureusement en beauté avec sa laborieuse adaptation de "Sur la route", le roman-culte de Jack Kerouac.

"Une famille brésilienne" était gorgé de tendresse et de mélancolie, comme une   chanson de Jobim. Ici, c'est Charlie Parker qui est censé nous agiter comme se déhanchaient autrefois, à l'orée du be-bop naissant, les héros de la Beat Generation. Mais où est-il passé,  le "It" si cher à Kerouac, dans ce long, long way qui n'en finit plus ? Du lyrisme originel mêlant jazz, alcool, sexe et drogue, ne reste plus qu'une bien pauvre illustration ne lésinant sur aucun cliché. Regards appuyés, pathos à deux centimes, mouvements de caméra parfois échevelés, comme si le film cherchait à se faire monter la fièvre tout seul, artificiellement.

Le pire, c'est que le texte de Kerouac en apparait presque vieillot, par moments... Ça fume et ça baise comme en l'an 40. On n'en est évidemment ni ému, ni émoustillé, malgré un casting beaux gosses/ jolies minettes qui se dilue rapidement dans l'inexpressivité. Il était pourtant question de sentiments forts dans "Sur la route": l'amitié, l'amour, l'envie d'évasion, la fureur d'être libre... Kerouac en avait fait un cylindre de papier de 40 mètres de long. Le film, lui, nous laisse au bout du rouleau.

"Sur la route", de Walter Salles (Le film est sorti ce mercredi 23 mai)