Mardi 22 mars 2016 par Ralph Gambihler

Sunset Song

Des plans ciselés avec grâce, des fragments de mémoire, des chansons... Ainsi pouvait-on résumer la patte de Terence Davies à la fin des années 80 alors que son premier film, Distant Voices, une ode poignante au Liverpool ouvrier des années 50, faisait émerger au royaume d'Albion un tempérament autrement plus subtil que Ken Loach. Rien ne laissait alors soupçonner l'essoufflement qui allait suivre, jusqu'à ce Sunset Song qui, quelques trois décennies plus tard, convoque à la fois la joie de retrouver un cinéaste à nouveau inspiré et le regret de tout ce temps perdu, entre projets avortés et productions décevantes.

Terence Davies adapte ici un classique de la littérature écossaise (Lewis Grassic Gibbon, 1932) dont l'héroïne est une jeune campagnarde du comté d'Aberdeen aussi avide d'indépendance qu'emprunte d'humilité à l'orée puis pendant la Première Guerre Mondiale. Plusieurs obstacles, à vrai dire, vont se dresser au travers de sa vocation d'institutrice: une mère qui préfère en finir après une série de grossesses non désirées, un père brutal, un époux qui prend d'abord le visage du prince charmant avant de tomber en enfer lors de la Grande Guerre...

En toile de fond, le film aborde un changement d'époque marqué par l'essor de la mécanisation agricole, la contestation du patriarcat et la montée du socialisme. Les ellipses auxquelles se résout le scénario suggèrent un cahier des charges éventuellement excessif. Terence Davies s'en sort pourtant avec les honneurs. Transcendé par l'interprétation vibrante de son actrice principale, Agyness Deyn, Sunset Song distille tous les charmes d'une rhapsodie écossaise qui, dans le genre pictural, relève de la toile de maître. On pense parfois à un autre Terrence dans cette façon de conjuguer Nouveau Monde et Moissons du ciel avec lyrisme mais sans pathos. Des chants populaires et le son d'une cornemuse en dessinent également tout un arrière-plan collectif qui immunise la mise en scène contre toute préciosité.

Sunset Song, Terence Davies (Sortie en salles le 30 mars)