Rosmersholm/Une maison de poupée
Il est, avec Jean-François Sivadier, le metteur en scène de théâtre auquel TSF est le plus fidèle... Qu'il monte Molière ("Le Misanthrope", "Tartuffe"), Tchekhov ("Les Trois Soeurs"), Pirandello ("Vêtir ceux qui sont nus"), ou alors un auteur israëlien moins connu comme Hanokh Levin ("L'Enfant Rêve"), Stéphane Braunschweig tape toujours dans le mille. C'est d'abord la clarté de son propos qui saute aux yeux. Elle se déploie sans esbrouffe, sans jamais rien intellectualiser, sans céder non plus à on ne sait quelle tyrannie du "naturel"...
La touche Braunschweig, c'est aussi ces scénographies en trompe-l'oeil, ces plateaux toujours un peu en courbe, en spirale ou en diagonale. Il y a là comme une fluidité ludique qui donne de la joie, même à ses pièces les plus sombres. Et quand le sens de la troupe se mêle à tant de talents, quand on fait la liste de tous ces jeunes comédiennes et comédiens issus du Théâtre National de Strasbourg sous la direction de Stéphane Braunschweig, on devine ce qui rend incontournable ce metteur en scène de 45 ans.
Le voilà aujourd'hui en haut de la Colline, le prestigieux théâtre du Nord-Est parisien dont Alain Françon lui a laissé les rênes... Cette même Colline où, il y a de cela quelques années, un prêcheur fou consumé dans la glace et l'absolu devait périr englouti dans une avalanche. Avec "Brand ", d'Ibsen, Stéphane Braunschweig faisait entendre l'une des plus retentissantes déflagrations du théâtre contemporain. La justesse de ses intuitions rencontrait alors le volcanique, le Wagnérien, l'épopée... Enfin bref, c'était le genre de représentation où, tout fiérot, on se dit encore, quelques années plus tard, "j'y étais "...
Ibsen, à nouveau, en cet automne 2009. Deux pièces en miroir qui se succèdent l'espace d'un dimanche... On commence avec la face sombre du Norvégien, ce méconnu "Rosmersholm " dans lequel un pasteur vaguement défroqué se fait manipuler par une gouvernante, avec entre deux le fantôme d'une première épouse poussée au suicide... Il y a un peu trop d' Alceste dans ce personnage de pasteur... C'est d'ailleurs l'acteur du "Misanthrope" qui est à l'oeuvre, face à la comédienne qui jouait Célimène. Mais comment peut-elle être attirée par un type aussi crispé et crispant ? Il fait froid dans la pièce. Les dialogues sont chargés, fourbus, aussi écrasants que cette bibliothèque massive, en oblique, qui musèle le plateau.
Il faut enchaîner sur "Une maison de poupée" pour retrouver ses repères... Un blanc éclatant mais une blancheur qui vire au clinique avant de fondre dans le grisé, un décor très désign, le moderne érigé en glacial, avec des parois surdimensionnées et mouvantes au fil de la pièce, un mari doux et inquiétant, superbement campé par Eric Caruso, une Nora fantasque, légère (quelle fraîcheur dans le jeu de Chloé Réjon !), et dont la rage féministe et anti-bourgeoise explose à travers cette fameuse "tarentelle" dansée un soir de Noël... Ajoutons-y les prouesses d'un Philippe Girard (c'était lui, Brand !) en médecin macabre, sardonique et mal-aimé, et on aura une idée de ce qui nous séduit tant chez le nouveau patron du théâtre de la Colline... C'est moins radical, paraît-il, que la version donnée il y a quelques années par l'Allemand Thomas Ostermeier... Quel élan, en même temps, dans cette mise en scène tout en déliés qui touche à vif.
"Rosmersholm " et "Une maison de poupée ", deux pièces d'Ibsen mises en scène par Stéphane Braunschweig au théâtre de la Colline à Paris (jusqu'au 16 janvier 2010) Coup de projecteur avec le metteur en scène le lundi 14 décembre sur TSF JAZZ à 8h30, 11h30 et 16h30