Mercredi 7 janvier 2015 par Ralph Gambihler

Pourquoi ont-ils tué Cabu ?

Pourquoi ont-ils tué Cabu ? Lui qui n'aurait jamais fait de mal à une mouche, lui si tendre, si généreux, lui qui n'opposait qu'un coup de crayon et un éclat de rire à la bête immonde? Pourquoi l'ont-ils tué, lui et puis Wolinski qui n'était que tendresse érotomane, et Charb, et Tignous, et Honoré, ces fantassins du cartoon, ces drôles de zigotos dont l'âme libertaire semblait presque hors-champ dans les âpres et parfois si consternantes fractures qui cisaillent la France du 21e siècle?

Pour certains d'entre eux, ils respiraient encore les effluves guillerettes de Mai 68. Ils caricaturaient un prophète comme ils en avaient, autrefois, caricaturé d'autres. Ils ne voulaient pas voir qu'on était plus au temps des barricades et des "bals tragiques à Colombey". Que l'heure était désormais aux décapitations et aux rafales encagoulées à l'arme automatique... Et nous, à TSFJAZZ, les yeux rougis, incapables de concevoir que Jean Cabu, l'être le plus doux au monde, soit ainsi fauché au champ d'honneur de la démocratie.

Cabu assassiné ? "Je n'arrive pas à mettre ces deux mots ensemble", lance Laure Albernhe, qui fut son interlocutrice privilégiée au sein de notre équipe, notamment à travers le fameux rendez-vous hebdomadaire "le jazz, ça déménage"... Alors on se réécoute encore une fois Cab Calloway, Woody Herman, Charles Trénet, Fred Astaire... Quatre noms, entre autres, pour résumer les lubies dansantes de Cabu et de son swing d'avant les rafales encagoulées.

Il savait craquer, en même temps, pour les talents de demain: Cécile McLorin-Salvant, Roberto Fonseca... Ses yeux et ses oreilles en étaient encore tout éberlués, lors d'une soirée You & The Night & The Music orchestrée par la radio à l'Olympia. Son jazz était généreux et élégant. Comme son âme. Il en avait une approche sensuelle, joyeuse et qui semblait le rajeunir de semaine en semaine à chaque fois qu'on le voyait dans nos locaux.

Et c'est cela que les gangsters du Djihad ont voulu éteindre ? C'est cela qu'on mitraille dans le chaleureux brain stream d'une conférence de rédaction, empoisonnant encore d'avantage les exhalaisons houellebecquo/lepénistes ambiantes ? Nous voici-là, nous questionnant et sachant trop bien, ou faisant semblant de ne pas savoir, les réponses à nos questions. Pourquoi ont-ils tué Cabu ? Pourquoi ont-ils tué Cabu ?

Jean Cabu (13 janvier 1938-7 janvier 2015)