Phantom Thread
Au beurre ou à l'huile, les asperges ? Filmée par Paul Thomas Anderson, cette empoignade culinaire au sein d'un couple vire au psychodrame hitchcockien. Il est vrai que dés qu'il est question de nourriture, il vaut mieux ne pas trop chiffonner le très torturé Reynolds Woodcock, couturier en vogue dans le Londres des années 50. Un autre exemple ? Le petit déjeuner, au réveil... Reynolds, dont l'ouïe n'est que réceptacle aux froissements d'une étoffe, ne supporte pas chez sa nouvelle et fraîche épouse le craquement d'une biscotte ou alors le choc d'une cuiller sur la tasse de thé.
Mais comment l'ex-servante promise au destin de fée du logis va-t-elle supporter un mari si hargneux, sans parler d'une atmosphère pour le moins étouffante dans ce manoir où vit le couple avec en guise de garde-chiourme une sœur aînée aussi guindée qu'implacable dés lors que son frangin donne des signes de faiblesse ? La jeune muse, à vrai dire, ne va pas se laisser dévorer toute crue. Du pain béni pour Paul Thomas Anderson et son univers de mâles enfermés dans leur bulle et n'en sortant que pour mieux enrichir le cercle toxique des dominants et des dominés. Quel changement de style, en revanche, par rapport au grimaçant The Master et aux envolées psyché d'Inherent Vice !
Dans un raffinement "so british" qui irrigue chaque plan, le réalisateur inocule une sourde tension au milieu des froufrous, signant un mélange racé bien qu'un peu froid -et sans doute aussi un peu trop "cousu main"- de Falbalas et Hantise. 10 ans après There Will Be Blood où il faisait déjà office de mauvais génie, Daniel Day Lewis n'a rien perdu de sa légendaire aura pour ce qu'il présente comme son dernier rôle. Une superbe créature finit néanmoins par lui damer le pion tant la toute jeune Vicky Krieps crève l'écran. Ses rougeurs, plus que la métaphysique des asperges chère à Paul Thomas Anderson, devrait rester longtemps dans nos mémoires.
Phantom Thread, Paul Thomas Anderson (Sortie en salles le 14 février)