Samedi 19 septembre 2009 par Ralph Gambihler

O'o

Comme d'habitude, il n'a prévenu personne... L'année dernière déjà, John Zorn avait lâché en plein mois de février un album complètement inattendu de sa part, une rêverie cristalline ciselée dans on ne sait quel nirvana. "Dreamers" tombait du ciel, mais sans promo, et ce n'est qu'au coeur de l'été finalement qu'on découvrait ses textures scintillantes... Il n'était heureusement pas trop tard pour en prodiguer quelques échos sonores dans certains habillages radiophoniques chers à TSFJAZZ et à sa muse matinalière...

Un an a passé, et le prolixe compositeur new-yorkais continue de ne prévenir personne. C'est en plein rush juillettiste, cette fois ci, que John Zorn nous a offert, toujours aussi discrètement,  la suite de "Dreamers",  et peut-être serait-on encore passé complètement à côté de l'événement si dans son blog l'ami David Koperhant, qui n'a désormais plus rien à envier au cercle des "zorniens azimutés", n'avait pas déniché l'oiseau rare.

A-propos d'oiseaux, justement, on n'y coupera pas, puisque la prolifération ornithologique est manifeste dans ce nouvel album dont le titre -"O'o"- désigne justement un volatile hawaïen aujourd'hui disparu. Plusieurs autres morceaux ont d'ailleurs été baptisés dans la même veine, à l'image de la pochette de l'album -une vraie faune elle aussi-  à tel point que John Zorn a oublié d'y ajouter sa signature ! Les  musiciens qu'il dirige, en revanche, sont bien mentionnés au dos. On retrouve le même sextet que dans "Dreamers", avec notamment Marc Ribot à la guitare, Jamie Saft au clavier, et Kenny Wollesen au vibraphone.

Pour le reste, eh bien comme dans "Dreamers", John Zorn fait briller de mille feux ce genre un peu "volatile" et dévoyé et  qu'on appelle le easy listening sauf que chez lui, le easy listening ne cède à aucune facilité... Moins luxuriant que l'opus précédent,  "O'o " reste en même temps très largement au-dessus de la production discographique automnale... A chaque morceau son humeur, depuis l'attaque joyeuse au clavier sur "Miller's Crake " jusqu'aux ténébreux "Archaeopteryx " , en passant par "Mysterious Starling", cette miraculeuse sonate où soudain un ange passe (Il ressemble à Bill Evans...), sans oublier l'attaque à la diligence de "The Zapata Rail", avec un duel infernal orgue/vibraphone disjoncté par les cordes de Marc Ribot.

Le guitariste tempétueux à vrai dire est beaucoup plus présent dans cet album que dans "Dreamers"... On ne s'en plaindra pas, au regard des quelques foudroyantes accélérations en piqué que s'autorise le disque, comme autant de mini-piqûres de rappel de ce que John Zorn peut livrer lorsqu'il est d'humeur saccageuse... De quoi donner une touche plus sauvageonne, au final,  que réellement tornadesque, aux sortilèges aériens dont le trublion newyorkais est capable dans ce "O'o" de haute voltige...

"O'o ", John Zorn (Tzadik/Orkhestra)