Noé
Il s'est beaucoup battu contre les studios, Darren Aronofsky, pour imposer le Noé de ses rêves. Le film s'en ressent pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur, c'est cette idée qui, bien qu'elle tarde à s'imposer dans le récit, fait du patriarche biblique le premier intégriste de la cause écolo. Face à une humanité avilie et avilissante envers la nature (ces premiers hommes ont déjà édifié des cités industrieuses, une piste qu'Aronofsky, hélas, n'a pas pris le temps d'explorer...), Noé opte ainsi pour l'anéantissement et non pas la refondation du genre humain. Il est même prêt -c'est en tout cas ainsi qu'il interprète les messages divins- à sacrifier ses petits-enfants pour éviter toute régénération biologique.
Le réalisateur de Black Swan n'hésite pas, du même coup, à déplacer les repères traditionnels dans la lutte entre le bien et le mal. On se surprend même, à certains moments, à préférer le bon sens et la vitalité de l'infâme Toubal-Caïn à la rigide soif de pureté d'un Noé auquel Russel Crowe prête des accents hiératiques. Après ça, le déluge... La mise en scène se hisse à la hauteur de l'événement avec une grande arche qui, effectivement, a de la gueule. Les anges déchus de roche et de boue qui aident Noé ne passent pas non plus inaperçus.
Aronofsky semble en même temps avoir délibérément épuré le potentiel spectaculaire de son épopée, comme si le drame familial chez les Noé père et fils l'intéressait d'avantage... Le pari serait fort jouable si le schématisme n'étouffait pas les personnages. Le récit se laisse, dés lors, rattraper par les écueils traditionnels de tout blockbuster. Seules surnagent les qualités d'âme et de rythme du cinéaste.
Noé, de Darren Aronofky (Sortie en salles le 9 avril)