Moonrise Kingdom
Scouts toujours... Fidèle à ses lubies où cohabitent le loufoque, la poésie, le saugrenu et surtout un irrépressible refus de grandir, Wes Anderson s'attache, dans "Moonrise Kingdom", à un Castor Junior d'une douzaine d'année qui s'évade de son camp pour filer le parfait amour avec une dulcinée de son âge sur une île au large de la Nouvelle-Angleterre. On est en 1965, à l'aube de l'épopée "Peace & love", sauf que nos deux jeunes tourtereaux ne vont pas danser bien longtemps sur la chanson de François Hardy ("C'est le temps de l'amour, le temps des copains et de l'aventure") qui les fait tant fantasmer. Le monde adulte les rattrape vite, avec au final une sacrée tempête qui bousculera bien des idées reçues.
Qu'on parvienne à entrer dans cet univers ou que l'on reste à quai, force est de reconnaître que l'affaire est rudement bien menée. Ambiance vintage, couleurs flashy, surcadrages et décadrages à la Tex Avery... La dimension ludique du propos est fièrement assumée, tout comme la joliesse de certaines séquences dans lesquelles une moto ou alors une cabane en bois se retrouvent perchées en haut d'un arbre, un peu comme l'esprit, parfois, de Wes Anderson.
Le spectateur plus terre-à-terre, quant à lui, éprouvera une certaine difficulté à ressentir la mélancolie que le réalisateur de "La Vie Aquatique" s'efforce de transmettre dans sa chronique de l'innocence perdue. Le contre-emploi auquel est réduit Bruce Willis dans un rôle de flic un peu benêt et pas si taciturne qu'il en a l'air n'amoindrira pas d'avantage la sensation d'apesanteur qui se dégage du récit. Au bout du compte, les facéties douces-amères de Wes Anderson feront leur effet, certes, sur la planète gnangnan. Elles ne sauraient, en revanche, combler l'appétit pour un cinéma moins creux, plus robuste, et dont la stylisation ne se réduit pas forcément à l'art de la vignette ou de la carte postale, si colorée soit-elle.
"Moonrise Kingdom", de Wes Anderson (Le film est sorti en salles le 16 mai)