Mon Traître
Sorj Chalandon vibre comme son nouveau roman, "Mon Traître"... Au micro de TSF, sa voix tressaille, par moments, lorsqu' il évoque son ami, Denis Donaldson, ce leader de l' IRA qui s'est avéré être, pendant une bonne vingtaine d'années, une taupe pour le compte des Britanniques... L' ex grand reporter de "Libération" a donc fait une fiction de cette blessure ouverte. Il a inventé Antoine, un luthier parisien hanté par l'Irlande des violons, pour ne pas se mettre en scène, lui, Sorj Chalandon, qui a couvert avec passion le conflit irlandais. Et il a donné quelques années de plus à Denis Donaldson en le réinventant sous les traits de Tyrone Meehan, ce traître qui aurait pu être un père pour la génération Bobby Sands.
Bobby Sands... Le nom est lâché. Lorsque je lui rends justice pour avoir, dans son roman, ressuscité cette icône qui a depuis tellement longtemps disparu de la circulation, Sorj Chalandon tressaille à nouveau. "Quand on entamait une grève de la faim en Irlande du nord, lâche-t-il, ou bien on gagnait, ou bien on mourrait"... Et on sent poindre, soudain, la colère du romancier-journaliste contre nos "grévistes de la faim" à nous, en France, à l'heure du tout-médiatique. " Je sais maintenant ce que c'est un traître", dit-il, avant de réévaluer tous ses actes à l'aune de cette trahison qui a transformé le pays de ses rêves en "Irlande de sable"...
Il en veut plus au trahi, au final, plutôt qu'au traître. Il n'a rien vu... Antoine, son luthier parisien, n'a rien vu non plus. Il ne reste plus qu'à tenter de cicatriser en écrivant un roman, en offrant au lecteur, à bout portant, un style clair, limpide, poignant, pour raconter le blues de Belfast, les chants, les enterrements, la pluie, les vieilles irlandaises et les films de John Ford...
Mon Traître, de Sorj Chalandon (Editions Grasset). Coup de projecteur sur TSF le 10 janvier à 6h30, 8h30, 13h et 17h