Mes provinciales
Pitié, laissez Jean Eustache en paix ! De ses 2h17 d'épopée poseuse délayée dans un noir et blanc bressonnien, Jean-Paul Civeyrac prétend rivaliser avec La Maman et la putain. Son nouvel opus, censé le sortir d'un espace post-Nouvelle Vague jusqu'à présent bien confidentiel, supporte pourtant difficilement la comparaison avec des fresques intimistes autrement moins surfaites.
Mes Provinciales met en scène des étudiants en cinéma dont on ignorait à quel point la platitude gangrène leurs conversations. Pour le reste, ils ont tous des têtes à sortir du cours Florent et savent s'entourer de très jolies demoiselles. Sur un sujet comparable, Jean-Charles Tacchella avait composé il y a une trentaine d'années un Travelling Avant gorgé de fraîcheur et d'émotion. Civeyrac, quant à lui, préfère enduire de clichés la montée sur Paris d'Étienne, jeune provincial confit d'indécision qui entend se lancer dans le 7e art avant d'affronter une palanquée de revers, notamment sur le plan sentimental.
Tout sonne faux, très vite, à commencer par l'apparition de Mathias, le rebelle magnétique devant lequel toute la classe se pâme, le pur et dur qui casse le travail de ses camarades, le pseudo-Godard qui prétend au cinéma total, sans compromissions (il va mal finir, on le sent...), plein de condescendance pour celui qui, parce qu'il a opté pour le film de genre (ouh, le vilain !), décrochera le blanc-seing pour réaliser son premier long-métrage.
La suite n'est que fariboles plombantes sur le fait qu'il ne faut pas se mentir à soi-même et que Paris est une sacrée chaudière de désillusions. À ce point dénué de légèreté et de fantaisie (mis à part ce curieux collapse entre une esthétique aussi surannée et des références à l'actualité immédiate...), Mes Provinciales n'a plus qu'à étaler son rouleau-compresseur de références culturelles pour cheminer jusqu'au générique de fin.
Le titre du film évoque Pascal, les jeunes personnages du film préfèrent swinguer sur Jean-Sébastien Bach, il est aussi question de Flaubert, de Pasolini et de Drieu la Rochelle... Flammèches, plutôt que feu follet ! Le plaisir de découvrir de nouveaux visages à l'écran se laisse dés lors consumer dans un vernis prétentieux, tartiné de matières nobles et sans le moindre tremblé de pellicule susceptible de faire date.
Mes provinciales, Jean-Paul Civeyrac (Sortie en salles ce 18 avril)