Vendredi 15 juin 2012 par Ralph Gambihler

Mapuche

Avec ses yeux de braise, son treillis moulant et sa fièvre d'indienne Mapuche dont le peuple fut massacré puis expulsé de ses terres ancestrales, Jana est tout simplement à croquer. Qu'importe qu'elle n'ait guère besoin de soutien-gorge... "Je t'aime, petit lynx", finit par lui lâcher Ruben, le détective à l'âme de poète rescapé des geôles clandestines.

Pour ses premiers pas sur le continent sud-américain, l'écriture rouge-sang de Caryl Férey s'est ménagée de beaux instants de sensualité, comme pour mieux ne pas se laisser happer par les racines du mal que l'auteur s'évertue à traquer dans les pays lointains. Après les townships d'Afrique du Sud dans "Zulu", ce sont les nuits de Buenos Aires qui l'ont inspiré, mais aussi les vieux démons d'un pays où l'impunité a toujours force de loi, qu'elle soit le fait d'anciens tortionnaires ou d'affairistes sans scrupule, notamment lors de la crise financière qui a saigné l'Argentine en 2001 et 2002.

Au cœur du thriller, un "cahier triste" exhume le fantôme d'une gamine martyrisée à deux pas du stade où se jouait la Coupe du monde de football en 1978. Caryl Férey s'est rendu sur place. Il a enquêté sur les enfants de disparus qui sont au coeur de son récit, tout en crapahutant du côté des travestis, des clubs de tango ainsi qu'au Chili, au sein de la peuplade Mapuche.

Il a également rencontré, lors de ses "repérages" conçus comme autant d'immersions, un autre auteur français de thrillers à succès qui se la joue volontiers globe-trotter, lui aussi. La seule différence, et elle est de taille, c'est que Caryl Férey, lui, n'a pas dormi à l'hôtel Hilton de Buenos Aires. Tout en combustion sauvage et charnelle, et avec un sens du duende aussi prononcé qu'un air d'Astor Piazzolla, son style  s'en ressent pour la plus grande joie de ses lecteurs.

"Mapuche", de Caryl Férey (Collection Série Noire de Gallimard) Coup de projecteur avec l'auteur (7h30, 11h30, 16H30), sur TsfJazz, mardi 19 juin.