Jeudi 25 novembre 2010 par Ralph Gambihler

Lullaby

Lui dans la chambre, elle dans la salle de bain... Lui dans l'ombre, elle en couleurs... Lui en jazz, elle un peu folk. Un vrai blues à l'âme, on l'aura compris, irradie de plein fouet "Lullaby", premier film de Benoit Philippon. Ce jeune et prometteur réalisateur franco-québécois a mixé Frank Capra et Wong Kar Wai pour nous mitonner un petit bijou dont le titre, déjà, tient du prodige... "Lullaby", ça veut dire "berceuse" en français... "Lullaby of Birdland", chantaient Ella Fitzgerald et Sarah Vaughan sur les notes de George Shearing...

Ici, c'est Sam qui va la chanter, la berceuse, dans cette chambre d'hôtel new-yorkais un peu désespérée où une mystérieuse jeune femme prénommée Pi a fait irruption, courant se réfugier et s'enfermer à double tour dans la salle de bain du type pour échapper à on ne sait quel poursuivant. Lui n'a rien demandé...  Il ne demande plus rien d'ailleurs, ni à la vie, ni à la musique dont il avait pourtant fait son métier... Il a perdu sa femme. Il s'imagine encore qu'elle va l'appeler, un jour, au téléphone, dans l'hôtel.

Elle s'appelait Joséphine, sa femme, comme le personnage travesti  joué par Tony Curtis dans "Certains l'aiment chaud", qu'il regarde en boucle en DVD... Surtout la scène de la salle de bain... Elle, maintenant... Pi, la blonde-enfant, le nombre irrationnel... Tantôt le sourire qui fait fondre tout ce qui l'entoure, tantôt le désespoir qui l'amène à écrire son journal intime partout sur les murs, avant d'effacer à la peinture... C'est la trop bonne idée du film, cette cloison qui les sépare, ces deux là, entre la chambre et la salle de bain. Quand la porte s'ouvrira, ça déferlera, c'est sûr.

Il y a aussi dans le film un gérant d'hôtel un peu ange-gardien et qui joue aux échecs avec lui-même... Ce n'est pas ce qu'on préfère, même si c'est Forest Whitaker qui joue le rôle... Non, on préfère plutôt Ruper Friend, (révélé par Stephen Frears dans "Chéri") avec son chapeau et sa cravate de jazzman des années 50... On préfère Clémence Poésy, dont on nous rabat les oreilles parce qu'elle fait partie du casting d'Harry Potter alors que "Lullaby" en fait déjà l'une des égéries cinématographiques les plus marquantes de l'an 2010... On aime bien aussi la B.O du film... Ce n'est pas du Charlie Parker, mais qu'importe...  C'est fait façon cocktail, entre swing, blues, folk, rap... A un moment du film d'ailleurs, le jazzman rencontre des rappeurs et le croisement est drôlement bien réussi.

"Lullaby", de Benoit Philippon (Sortie en salles le 1er décembre) Coup de projecteur, le même jour, avec le réal' (8h30, 11h30, 16h30)