Lundi 21 septembre 2009 par Ralph Gambihler

London River

Ils sont en prière, tous les deux. Elle est à la recherche de sa fille, disparue dans les attentats islamistes de Londres en 2005. Pareil pour lui avec son fils. Sauf qu'il n'y a rien de commun à priori entre la veuve protestante de Guernesey et le forestier black et musulman venu de France. Elle est dans son île, il est dans sa forêt. Rien de commun, si ce n'est cette histoire d'amour entre leurs enfants respectifs, étudiants à Londres, et dont plus personne ne retrouve la trace.

Avec son budget fauché, son sujet pas vraiment joyeux et ses acteurs que personne ne connait, "London River  " avance sur la pointe des pieds. À vrai dire, on ne pariera pas un kopek sur le succès en salles de ce film diffusé une première fois sur Arte avant l'été. C'est pourtant Rachid Bouchareb, le réalisateur d' "Indigènes ", qui est derrière la caméra, mais apparemment certains sont bien décidés à lui faire payer son triomphe d' il y a trois ans. Alors on le taxe d'académisme, on lui reproche d'user des bons sentiments, on trouve son scénar improbable.

Eh bien écrivons-le ici clairement et nettement: "London River " est au contraire un bijou d'humanité, un film extraordinairement poignant et une leçon de vie dans une société gangrenée par les haines, les préjugés et les discriminations. Les deux acteurs sont magnifiques. Brenda Blethyn, qui avait déjà joué sous la direction de Mike Leigh dans "Secrets et mensonges ", incarne tout en vibrations l' inquiétude montante, la perte de tout ce qui lui tenait de repères, et l'empathie inéluctable avec ce géant noir dont elle se sentait au départ si éloignée.

Ce géant, on l'a déjà vu dans les pièces de Peter Brook. Sotigui Kouyaté ne joue pas un forestier par hasard...  Il a en lui cette majesté immuable et longiligne des grands arbres dont l' écorce se fissure, subrepticement, face au mauvais vent de l'Histoire... Les voir marcher tous les deux, côte à côte, elle, l'Anglaise boulotte et entreprenante, et lui, qui la dépasse d'une tête, avec sa canne et ses tresses de griot, constitue indéniablement la plus belle preuve que chez Rachid Bouchareb, un plan, comme un travelling, est d'abord une affaire de morale.

London River, de Rachid Bouchareb (Sortie en salles le 23 septembre)