L'Innocence et la loi
Retour au prétoire pour Michael Connelly. Après avoir suivi la retraite tumultueuse de son enquêteur préféré, Harry Bosch, jusqu'à l'associer à une nouvelle héroïne, la très aquatique et métissée Renée Ballard, le maître du thriller made in L.A. joue à nouveau la carte Mickey Haller, l'avocat retors et matamore qui se trouve aussi être le demi-frère de Bosch. Le premier volait déjà la vedette au second dans Volte-face, mais il n'y a définitivement plus photo dans ce nouvel opus où Bosch ne fait que de courtes apparitions. C'est Haller qui prend tout l'espace. Normal, il est à fois le principal défenseur... et le principal accusé.
Son innocence saute pourtant aux yeux. Comment l'imaginer en train de dégueulasser le coffre de sa rutilante Lincoln en y fourguant le cadavre de l'un de ses anciens clients, un escroc notoire qui lui devait un paquet de fric ? Qu'importe ! Voilà Haller aussitôt incarcéré dès lors qu'il ne peut guère honorer une caution au montant astronomique. C'est depuis sa cellule qu'il doit bâtir une stratégie de défense digne de ce nom après avoir envoyé ses associés sur plusieurs fronts, de manière à dénicher le vrai coupable. Aussi périlleuse soit-elle, cette équipée est narrée avec l'ingéniosité qui caractérise Michael Connelly, même si son dénouement qui a trait à une vaste arnaque aux biocarburants n'est ni réellement abouti, ni franchement passionnant.
De fait, c'est surtout le déroulé juridique du récit jusqu'au procès tant attendu qui fascine. C'est là qu'interviennent deux sacrés personnages: Dana Berg, la représentante carnassière de l'accusation (on la surnomme "couloir-de-la-mort "), et surtout la juge Warfied, une magistrate plus qu'ombrageuse que son passé d'avocate, et peut-être aussi la couleur de sa peau, inclinent à la résistance face aux ressources dont dispose l'accusation sachant, comme le rappelle l'auteur, que c'est souvent "avec sa puissance et sa force que l'État l'emporte ".
Mené de main de maître, le décorticage du système judiciaire américain permet à Connelly de montrer à quel point "la loi de l'innocence reste à écrire. On ne la trouvera pas dans un Code pénal relié cuir " puisque "pour que l'innocence de tel ou tel soit prouvée, il faut que le coupable soit découvert et montré au monde"... Des digressions sentimentales (notre avocat retombant notamment amoureux de son ancienne compagne) et sanitaires (le "virus chinois " commence à faire des siennes...) sont censées aérer la démonstration. Le lecteur n'en ressentait guère le besoin tant l'auteur, à la manière d'un Preminger dans Autopsie d'un meurtre, porte au sommet l'art du thriller judiciaire.
L'Innocence et la loi, Michael Connelly (Editions Calman-Lévy)