Samedi 22 septembre 2018 par Ralph Gambihler

Levantine Symphony No 1

Cela fait un bail qu'Ibrahim Maalouf a transcendé le statut d'agent double inventé par Pierre Bouteiller pour évoquer ces musiciens aussi à l'aise en classique qu'en jazz. Ibé, comme on le surnomme, c'est l'agent triple, quadruple, voire octuple, jusqu'à cet impromptu Dalida qui a pu déconcerter certains de ses fans l'an passé.

Il faut s'y résoudre, ce trompettiste parle plusieurs langues : jazz et classique, mais aussi pop, world et électro. Pour tout gardien du temps, il est le blasphème incarné, le casseur de codes, l'électron trop libre et paradoxalement trop fédérateur qui refuse de s'exprimer dans un seul langage. Miles Davis avait connu pareil ostracisme. Le voilà à présent qui fait swinguer une symphonie avec le concours d'un chœur d'enfants (issus de la Maîtrise des Hauts-de- Seine) et du Paris Symphonic Orchestra, sans oublier ses fidèles sidemen que sont François Delporte, Frank Woeste, Stéphane Galland.

Créée au mois de mars sur la scène du Kennedy Center de Washington, cette assomption en sept mouvements réunit tout ce que l'on aime chez Ibrahim Maalouf: le tourbillon des tempos, la fièvre lyrique, le sens de la mélodie et de la narration ou encore -et toujours- cet art consistant à faire rimer identité avec hybridité. Mais peut-être qu'après tout certains jazzeux ne seront pas les premiers à rugir. Ces détours par les musiques urbaines avec orgues qui groovent et riffs de cuivre pourraient d'abord désarçonner les amateurs de symphonie plus classique. On discerne une volonté similaire de briser le moule du côté des paramètres orientaux tant il est vrai qu'ici ni la liturgie du mélisme, ni les violons langoureux, ne sont au rendez-vous.

Même la fameuse trompette à quarts de ton qui a fait la légende d'Ibrahim Maalouf paraît avoir moins d'espace, la prime allant d'abord à l'orchestration. Les lueurs du monde arabo-musulman n'en parsèment pas moins l'album. L'Orient en fusion à travers un thème initial qui fructifie dans le contemplatif, le combo ou l'amplification, on dirait encore plus l'Orient avec toutes ces tremblés de sonorités et ses méandres de l'âme qui le caractérisent... Ibrahim Maalouf nous offre ainsi un véritable hymne au soleil. Soleil Levant, Maestro !

Levantine Symphony No 1, Ibrahim Maalouf (Mister Ibe/Universal). En concert à la Seine Musicale, à Boulogne-Billancourt, les 18 et 19 janvier.