Mercredi 13 février 2013 par Ralph Gambihler

Les Misérables

Kitsch ou pas kistch, j'ai encore pleuré à la mort de Gavroche. Le sort en est ainsi jeté de cette nouvelle version du chef d'oeuvre de Victor Hugo plus directement inspirée de la comédie musicale que Robert Hossein avait mise en scène, à Paris, en 1979, avant que le spectacle ne traverse la Manche, puis l'Atlantique.

Là aussi, le sort en est jeté, toute lucidité cinématographique étant mise en parenthèses. Car les chansons du duo Schönberg/Boublil, ce fut aussi ma came, dans une vie antérieure, quand bien même ce répertoire n'avait rien de franchement jazzy... Tout cela pour dire que Tom Hooper ("Le Discours d'un roi") n'a pas trop eu à se forcer pour m'emporter dans ses "Miz" à lui. Qu'importe trémolos, effets appuyés et casting douteux (Hugh Jackman en Valjean pâlichon, Russel Crowe encore moins convaincant dans le rôle de Javert, seul Sacha Baron Cohen parvient à amuser la galerie, dans tous les sens du terme, en Thénardier destroy...), on pleure une nouvelle fois à la mort de Gavroche, et c'est bien là l'essentiel.

On boudera d'autant moins son plaisir que le film est étonnant sur le plan visuel, à l'image de cet éléphant de la Bastille qui annonce, bientôt, des scènes de barricades spectaculaires. La reconstitution des bas-fonds de Montreuil-sur-Mer (dont Jean Valjean devient le maire sous le nom de Monsieur Madeleine) et de Montfermeil (où est située l'auberge des Thénardier) est également gorgée d'un lyrisme pictural qui nous en met plein les yeux.

Evidemment, on n'oublie pas le Valjean de Harry Baur dans la version de Raymond Bernard en 1933... A ses côtés, Charles Vanel campait un Javert d'anthologie quand Charles Dullin nous glaçait d'effroi avec la célèbre réplique de Thénardier, "S'il ne s'exécute pas, nous l'exécuterons"... Plus académique mais pas moins définitive, la version de Jean-Paul Le Chanois avec Jean Gabin en Valjean et Bernard Blier en Javert valait surtout par la performance de Bourvil qui apportait un bonus de perversité sardonique à son Thénardier, tandis que Silvia Monfort et Serge Reggiani donnaient enfin leurs visages à Eponine et Enjolras...

Autre réussite, la version cinématographique de Robert Hossein, en 1982, avec un Lino Ventura impérial en Valjean, un Michel Bouquet introverti à souhait en Javert et un Jean Carmet plus noir que noir en Thénardier. Mise en scène dantesque et lyrique comme sait si bien le faire Hossein lorsqu'il est en forme. En bonus, le personnage de Fantine trouvait enfin l'interprétation requise grâce à Evelyne Bouix et Denis Lavant faisait des débuts marquants dans la peau du jeune truand pervers Montparnasse... Il n'y eut finalement que dans l'infâme téléfilm de Josée Dayan (Depardieu évanescent en Valjean, John Malkovitch carrément space en Javert et Christian Clavier définitivement insupportable en Thénardier...) que je n'ai pas pleuré à la mort de Gavroche...

"Les Misérables", de Tom Hooper (Sortie en salles ce 13 février)