Vendredi 2 octobre 2009 par Ralph Gambihler

Les enfants de Saturne

Olivier Py réduit en charpie. Encore inimaginables il y a quelques années, les critiques assassines contre l'actuel directeur du théâtre de l'Odéon laissent un goût amer. Sa nouvelle pièce, "Les enfants de Saturne", aurait-elle été le prétexte à ces éternels et obscurs règlements de comptes qui viennent toujours enduire d'un vernis d'illégitimité les ascensions trop rapides ?

Il est vrai qu'il ne pêche pas par manque d'ambition, Olivier Py... Il est vrai qu'une fois encore il donne dans la démesure, l'hyperbole stylistique, la prolifération verbale et l'alliage volcanique de différents genres qui en temps normal ont généralement la sagesse de s'ignorer les uns les autres... Sont donc ici convoqués drame bourgeois et tragédie grecque pour raconter la fin d'un grand journal de la presse française (sans doute une allusion au sort de "France Soir ") que son propriétaire ne se résoud pas à abandonner à ses héritiers... Des héritiers eux-mêmes soumis à tous les dérèglements de l'âme et du corps, jusqu'au tabou de l'inceste qui confère à la saga familiale un parfum d'apocalypse, même si à la fin de la pièce le salut parvient à s'incarner à travers deux jeunes gens qui s'embarquent pour l'Afrique sur le dos d'une baleine.

C'est à partir de ce synopsis quelque peu terrorisant, on le concède, qu'Olivier Py tisse un univers qui n'appartient qu'à lui, avec de nombreuses références à la mythologie et à l'histoire de France. C'est à la fois baroque, magnifique, touffu, et peut-être au final un peu trop condensé, surtout de la part d'un metteur en scène qui s'est autrefois sublimé dans des plus grands formats ("Le Soulier de Satin", "Les Vainqueurs" )... 

La puissance lyrique de ces Enfants de Saturne apparaît en revanche beaucoup plus opérationnelle que dans L'Orestie , qui nous avait un peu assommé l'année dernière. Et elle est évidemment transcendée, cette puissance lyrique, par la formidable astuce scénographique qui permet à Olivier Py de résoudre ses problèmes de changements de plateau, avec des gradins tournants qui projettent le spectateur d'un décor à l'autre, entre manège et train fantôme... C'est bien là l'ultime vertige d'une pièce en constant déséquilibre sur elle-même, pas très éloignée de ces "grands films malades" dont parlait Truffaut, mais dont l'indiscutable mérite est de chasser cette odeur de naphtaline qui empoussière trop souvent un certain type de théâtre français.

"Les enfants de Saturne ", d'Olivier Py, aux Ateliers Berthier de l'Odéon, à Paris, jusqu'au 24 octobre.