Lundi 4 août 2008 par Ralph Gambihler

Le silence de Lorna

Ils ont (re) posé la caméra. Ils ont décidé de regarder Lorna, et de prendre le temps de la regarder. Le nouveau film des frères Dardenne est tout en frémissements. On n'est plus en haut de la vague, comme auparavant... On est après la vague, ça tangue, ça reflue... A marée haute comme à marée basse, l'émotion ne se calcule jamais, au cinéma.

Lorna vient du Kosovo. Pour avoir la nationalité belge et acheter le snack-bar dont elle rêve avec son amoureux, elle a consenti à un mariage blanc avec un toxico dont elle sait qu'il va crever bientôt, pour ensuite épouser un mafieux russe qui est prêt à donner beaucoup d'argent afin de devenir belge lui aussi.

Le grain de sable, c'est le corps de Lorna. Il faudrait qu'elle soit froide, barbare; elle n'est que sensuelle, et dans les bras du toxico dont elle n'est censée attendre que le trépas, elle porte un premier coup de canif au contrat de départ passé avec un homme du milieu qui la cornaque sans scrupules. Bientôt, Lorna va se raconter une histoire, elle qui ne devait surtout pas faire d'histoires... Lorna va entrer dans une autre "zone" de sa vie, au-delà du réel, au-delà du film à thèse sur l'Europe face aux sans-papiers, au-delà de toutes les "ken-loacheries" dont les Dardenne ne seront jamais les clônes.

Résultat des courses: on est "attaché" à ce film, "attaché" à ces personnages... Au fil du temps, un lien est en train de se créer entre les frères Dardenne et leur public, un lien qui carbure au cinéma à l'état brut, anti-démonstratif, et quelque part toujours définitif quant à l'ancrage social et politique du propos. Rien ne coagule, en fait, dans "Le silence de Lorna". L'émotion coule comme le sang... Elle coule un peu plus doucement qu'auparavant, mais suffisamment pour donner à l'an 2008 l'une de ses plus grosses secousses...

Le Silence de Lorna, des frères Dardenne (Sortie en salles le 27 août) Coup de projecteur avec les frères Dardenne le 26 août à 8h30, 11h30, 16h30)