Mercredi 19 janvier 2011 par Ralph Gambihler

Le Discours d'un Roi

On pourrait appeler ça le "film à texte", et c'est une belle tradition du cinéma anglo-saxon... Une tradition qui repose, en l'occurrence, sur le primat de l'intrigue en tant que telle... Plus qu'un univers, c'est la trame même  de l'oeuvre qui en constitue la colonne vertébrale, avec à la clé une certaine forme de théâtralité et des morceaux de bravoure qui peuvent parfois donner de très grands films  (dernier exemple en date, "Frost Nixon", de Ron Howard).

Il faut pour cela réunir une mise en scène originale,  un choc d'acteurs spectaculaire, un rythme d'enfer et une réelle finesse dans l'art du récit. Ce sont sans doute ces deux derniers points qui manquent à l'appel dans "Le Discours d'un Roi", de l'Anglais Tom Hopper... Le roi en question, c'est George VI, le papa de l'actuelle reine d'Angleterre. Miné par un bégaiement à-priori insurmontable, il va s'enticher d'un orthophoniste un peu spécial, carrément en dehors des circuits royaux et suffisamment extraverti pour ne pas être impressionné par les us et coutumes made in Buckingam.

Résultat des courses: après avoir succédé à Edouard VIII, son très volage frangin parti folâtrer avec une roturière américaine, ce brave George deviendra pleinement opérationnel dans son célèbre discours à la Nation au moment où l'Angleterre entre en guerre contre l'Allemagne en 1939. strong>Tom Hopper a réussi son casting: Colin Firth en monarque complexé et surtout Geoffrey Ruff dans le rôle de l'orthophoniste extravagant peuvent effectivement ramasser quelques Oscar dans les semaines qui viennent. La froide géométrie avec laquelle le réalisateur réinvente le palais des Windsor en multipliant les contre-plongées les plus cliniques n'est pas non plus sans intérêt.

Pour le reste, le propos est souvent appuyé, sommaire et d'une lissitude à toute épreuve. L'accent, surtout, est lourdement psychologisant alors qu'une analyse historique de cette période aurait été infiniment plus pertinente... La crise dynastique de 1936, par exemple, est propice à de fâcheux raccourcis... Car si Edouard VIII abdique au profit de son frère, ce n'est pas seulement à cause de ses amours transatlantiques... Son regard plutôt avenant par rapport à ce qui se déroule en Allemagne augure de liaisons autrement plus dangereuses que le scénario préfère ne pas trop creuser, au prix d'ailleurs d'une sacrée contre-vérité au sujet de Winston Churchill et de ses ambiguïtés politiques durant toute cette période...

On trouvera pareillement étonnante cette séquence où, à peine couronné, George VI découvre Hitler à la télévision et ne voit en lui qu'un redoutable concurrent en terme de communication... Pas un seul instant la gravité des temps et des périls ne vient réellement contaminer l'écran, y compris dans ce qui précède la séquence finale, alors même que Beethoven est convoqué pour la circonstance... Au final, et sans nier l'efficacité d'ensemble du propos, ce "Discours d'un Roi" dégage une impression pour le moins laborieuse.

"Le Discours d'un Roi", de Tom Hopper (Sortie en salles le 2 février)