Lundi 11 janvier 2010 par Ralph Gambihler

La jeunesse d'Eric Rohmer....

C'est avec Eric Rohmer, qui vient de s'éteindre à l'âge de 89 ans, que j'ai su ce que voulait dire le rayon vert. Milieu des années 80. Pas encore 20 ans, je crois... Une jeune femme pulvérise l'écran au soleil couchant de St Jean de Luz. Avec à ses côtés son éventuel futur amoureux, elle attend, anxieuse, cette vive et brève lueur verdâtre sur laquelle Jules Verne a écrit un livre et qui signifie, selon la légende, que les sentiments de l'un pour l'autre deviennent des certitudes...

20 ans et des poussières... Le film s'appelait Le Rayon vert. Trop scotchante, l'improvisation... Trop free pour ne pas être un peu simulée, quelque part. La comédienne, c'était Marie Rivière. Mon co-locataire de l'époque, un galérien des cités absolument hermétique, pensais-je, aux marivaudages "rohmeriens", avait complètement craqué pour le film...

Ma nuit chez Maud avait quelque chose de plus littéraire, mais c'était comme pour Le Rayon vert. On tombait amoureux de Françoise Fabian comme de Marie Rivière... On se disait que rarement un cinéaste avait autant érotisé l'intelligence d'une femme... D'autres souvenirs, encore... Jean-Claude Brialy barbu et donjuanesque dans Le Genou de Claire, où un certain Fabrice Luchini fait sa première apparition...  Arielle Dombasle dans Pauline à la plage, avec ce maniérisme et cette fausseté dans le jeu qui relevaient eux aussi, en fin de compte, de cette fameuse simulation dans l'art d'improviser selon Rohmer.

Car en vérité, elle était bien plus "vraie", la Arielle de l'époque, que cette pseudo-muse de BHL qui trainasse aujourd'hui dans les magazines people... Il y eut aussi L'Amie de mon amie, La femme de l'aviateur, L'amour l'après-midi... Il y eut cette étoile filante emportée par un souffle au coeur, l'astrale Pascale Ogier des Nuits de la pleine lune... Il y avait une géométrie Rohmer... Un jeu de couleurs, une façon d'aérer l'espace, des lignes de vie, une manière d'aider à vivre, aussi... Incrustés ensemble, le badinage amoureux et la gravité des sentiments racontaient nos âmes et réinventaient à chaque plan cette liberté sauvage de filmer léguée par la Nouvelle Vague.

Eric Rohmer: 21 mars 1920-11 janvier 2010