La Femme de mon frère
"Mais si, j'aime le jazz !", se répète sans trop y croire la malheureuse Sophia alors que dans l'appart' où ils vivent en colocation, son séducteur de frangin a cru bon de mettre un disque d'Ornette Coleman pour accompagner ses roucoulades avec sa nouvelle conquête, qui n'est autre que la propre gynécologue de la jeune femme. De quoi faire déraper dans un chorus des plus dissonants une relation frère-sœur jusque là fusionnelle.
Dissonant, certes, mais surtout tordant, car c'est avant tout sous le sceau de la comédie abrasive que la Québécoise Monia Chokri inaugure ses débuts de réalisatrice. Repérée comme comédienne dans deux films de Xavier Dolan, elle en retient l'art de la tchatche, les tourbillons pop -avec ou sans Ornette Coleman- ainsi qu'une fraîcheur de regard qui aurait encore d'avantage fait mouche avec une mise en scène moins survoltée.
Qu'importe, au final, les embardées de montage et autres décadrages à foison censés refléter les humeurs désaxées de Sophia, cette doctorante trentenaire en plein désert professionnel et affectif, jusqu'à sa rencontre avec un célibataire... sage-femme ! Le choc entre ces deux-là fait des étincelles, d'autant que le regard plein de tendresse de la primo-cinéaste sur son héroïne emporte le morceau. il est vrai qu'avec sa gouaille à la Florence Foresti, la comédienne Anne-Elisabeth Bossé donne brillamment chair à son personnage.
La Femme de mon frère, Monia Chokri, Festival de Cannes, un Certain Regard (Sortie en salles le 26 juin)