Vendredi 10 février 2012 par Ralph Gambihler

La dame de fer

On n'est pas obligé  d'avoir que de vilaines pensées pour Miss Maggie. Haïe et trahie par les siens, sa chute fut grandiose, shakespearienne... C'était un vrai animal politique, en chair et en actes, à mille lieues de ces girouettes et autres ectoplasmes superficiels qui polluent l'espace politique aujourd'hui... Reste à savoir si la réalisatrice de "Mama Mia" était la personne la mieux placée pour revisiter  le parcours très musclé de Margaret Thatcher dans l'histoire contemporaine.

Elle a, certes, le sens du rythme et de l'allégresse, Phyllida Lloyd... Construisant son biopic à partir de la fin de vie d'une Margaret Thatcher dont la démence a atteint ces dernières années un point de non retour, la réalisatrice multiplie les trouvailles et remonte le temps avec jubilation. Les débuts de Miss Maggie sont en vérité la partie la plus réussie du film. Traumatisée par les bombardements allemands en 1940, la fille d'épicier fait déjà preuve d'une belle obstination, jusqu'à se trouver l'époux rêvé qui lui permettra d'échapper à un destin de femme au foyer.

C'est curieusement avec l'apparition de Meryl Streep que les choses se gâtent. Ce n'est pas la comédienne qui est en cause, mais plutôt le ton du film qui, sous couvert d'apolitisme, élude délibérément les aspects les plus controversés du thatchérisme triomphant. Le désespoir des mineurs anglais, les grévistes de la faim en Irlande agonisant dans d'abominables souffrances, les morts pour rien aux Malouines, la défense de Pinochet...

Tout cela est édulcoré ou alors caricaturé dans un sens nettement favorable à la Dame de Fer. Le comble est atteint avec cette fameuse séquence où Margaret Thatcher danse avec... Nelson Mandela ! Ce même Mandela que l'ancien Premier ministre britannique traitait de terroriste dans les années 80 tout en refusant de sanctionner le régime d'Apartheid en Afrique du Sud... Après avoir vu le film en projection de presse, j'ai écrit sur ma page Facebook: "Meryl Streep sanctifie Miss Maggie, et ce soir  je m'endormirais en pensant à Bobby Sands"...

"La Dame de Fer", de Phyllida Lloyd (Sortie en salles le 15 février)