Vendredi 5 juin 2009 par Ralph Gambihler

La Dame de chez Maxim

Brecht, Büchner, Shakespeare, Claudel... et Feydeau ! Eh bien non, ne cherchez pas l'erreur ! Quand Jean-François Sivadier s'embarque dans le vaudeville, c'est encore une fois la marée haute, l'allégresse absolue et la joie de voir une dramaturgie du passé se réinventer, en direct, pour le siècle présent. Après Galilée, Danton et Le Roi Lear, suivie de l'aventure collective de "Partage de Midi ", voici donc "La Dame de chez Maxim ", alias la Môme Crevette, qui entre en scène !

Là encore, quelle allure ! Gouailleuse en diable, cette demi-mondaine ramassée un soir d'ivresse par un respectable docteur va mettre le boxon en haute société. C'est la frangine de Boudu, la Môme Crevette... Convertie en apparence aux quiproquos que son amant de passage invente pour cacher ses origines populeuses, la dame de chez Maxim va pulvériser tous les masques, avec pour seule arme son affriolante authenticité. "C'est l'engrenage...",  comme dit l'un des personnages de la pièce, et cet engrenage, Jean-François Sivadier ne  cherche surtout pas à le démonter par une quelconque distanciation...

Tel Feydeau s'abandonnant dans la folie douce de son intrigue, Sivadier ose le défoulement total, aux confins paroxystiques de ce qui pourrait, soudainement, devenir théâtralement incontrôlable. C'est au bord de ce précipice que le metteur en scène renoue en fait avec ce qui a toujours été le sel de ses créations, à savoir le théâtre comme fête des corps et du langage, débauche d'énergie et sublimation de l'esprit de troupe. Les conventionnelles "portes qui claquent" ne résistent évidemment pas à une telle déferlante. Une ingénieuse scénographie privilégie au contraire le plateau dans sa nudité et son immensité, avec des portes suspendues par des cintres donnant à voir la machinerie théâtrale dans toute sa dimension artisanale. Manière, là encore, d'exploser l'intérieur bourgeois.

La direction d'acteurs est du même niveau: "que c'est bon d'être demoiselle", effectivement, comme le chante Colette Renard, quand c'est la délurée Nora Krief qui "grivoisise" de la sorte en Môme Crevette devant une assistance médusée et surtout un drôle d'abbé tout émoustillé... Dans le rôle de la femme blousée et qui croit toutes les sornettes que lui raconte son mari, Nadia Vonderheiden déploie un registre comique étonnant, mais aussi une émotion sous-jacente dans l'amour qu'elle voue encore à son filou de docteur... Le docteur, c'est Nicolas Bouchaud, l'acteur-fétiche de Sivadier. Il n'y a, encore une fois, que du dantesque dans sa façon de bouger, ses intonations, et cette poésie de la panique qu'il donne à son personnage, dans le droit fil des bouffons-troubadours les plus affirmés du cinéma burlesque...

La Dame de chez Maxim, mise en scène Jean-François Sivadier, au théâtre de l'Odéon à Paris jusqu'au 25 juin. Coup de projecteur avec le metteur en scène sur TSFJAZZ, le mardi 9 juin, à 8h30, 11h30 et 16h30