Jean la Chance
À chacun ses infidélités. Puisque Gershwin en version hip-hop est joliment blogué sur TSFJazz, osons alors Brecht en cabaret punk ! L'expérience est courte (durée du spectacle: 1h15 ), radicale, explosive et formidablement enjouée sur la scène du théâtre de la Bastille, à Paris, où François Orsoni a exhumé "Jean la Chance", un texte de jeunesse très vite renié par le célèbre dramaturge allemand.
Aucune lourdeur pourtant dans cette adaptation d'un conte des frères Grimm dans lequel un brave paysan ébloui par la beauté du monde et la richesse du genre humain se fait abominablement gruger au gré de ses rencontres: femme, maison, charrette, manège, oie... Jean la Chance ne cesse de troquer à perte, jusqu'à mettre en jeu sa liberté et sa vie. Mais il garde constamment son ingénuité dans ce monde de rapaces dont Brecht n'a cessé, par la suite, de sonder les ténèbres.
De cette fable aux accent parfois bucoliques, François Orsoni a extirpé toute mièvrerie en allant cherchant la guitare saturée d'un ancien des Bérurier Noir, Tomas Heuer... La joyeuse troupe est dés lors embarquée dans un bouillonnement rock alternatif aux allures de concert et qui donne à voir des comédiens exultants et dopés par une allégresse communicative. La métamorphose est sidérante du côté de Clothilde Hesme, curieusement éthérée, jadis, devant la caméra de Philippe Garrel, et qui a su, depuis, bifurquer vers des aventures plus conformes à un jeu de scène fougueux et à tout point de vue irrésistible.
Jean La Chance, de François Orsoni, au Théâtre de la Bastille jusqu'au 1er février