Dimanche 8 mai 2011 par Ralph Gambihler

James Farm

Fraîcheur suprême que ce jazz là ! Un jazz de savane et non pas de basse-cour, un jazz qui ne monte pas sur ses ergots, qui ne se recroqueville pas dans le fielleux, le souffreteux, le rachitique... Un jazz au contraire collectif, rieur, jouisseur, et surtout pas aigri, égocentrique et pleurnichard... Voici venu un jazz qui dégage les bronches et qui chasse les mauvais corbeaux.Voici venu "James Farm", le nouveau groupe (et nouvel album) de Joshua Redman.

On pourrait aussi dire "James Farm", le nouveau groupe d'Aaron Parks, pianiste surdoué, ou alors "James Farm", le nouveau groupe de Matt Penman ou d'Eric Harland, tant le disque n'obéit à aucune logique de leader. Jazz sans tête, donc, et à fortiori jazz qui ne (se) prend pas la tête... Un saxophoniste, un pianiste, un contrebassiste et un batteur se partagent ici les compos, les climats, les influences, sans rien préméditer si ce n'est le plaisir d'être ensemble et la joie de l'instant présent. Dans une période propice à de tristes règlements de comptes, c'est presque hors-la-loi, une telle jazz-attitude, jusqu'à cette référence à "James Farm", la célèbre ferme du légendaire Jesse James.

Et ça lui va fichtrement bien, à Joshua Redman, cette chevauchée sauvage. Un peu trop bon élève autrefois, un peu ennuyant également, il s'égaie à présent dans les contrées pop, pulsant dans la mélodie pure, sans doute encouragé en cela par ses récentes retrouvailles avec Brad Mehldau, ne serait-ce qu'au contact d'un Aaron Parks qui emprunte un peu les mêmes autoroutes, comme le note David Koperhant (programmateur en chef sur TsfJazz).

Plus que dans le groove, on est ici dans l'univers du chant, voire même du tube, notamment à l'écoute de "Polliwog" et de sa sublime coda où l'on entend Matt Penmann siffler. "I-10", seule composition d'Eric Harland, emmène le groupe dans des chemins de traverse hip hop et électro, "Bijou" le ramène vers un son bluesy/glospel où le ténor fait des miracles, avant de faire ses preuves également au soprano sur "Low Fives"... On est également subjugué par les breaks, les accélérations ("Star Crossed") ou les respirations inattendues ("Coax") qui habitent au plus beau sens du terme de nombreux morceaux de l'album.

"James Farm" s'impose ainsi non seulement comme le meilleur album de Joshua Redman mais aussi comme l'opus le plus fougueux du printemps... Le plus généreux également, à l'inverse de certains combats de coqs qui ont un peu fait tâche, dernièrement, dans l'univers de la note bleue.

James Farm, Joshua Redman (Nonesuch Records)