Introduction
La neige tombe dru, la mer est gelée... Dans les limbes du nouveau Hong Sang-soo, la texture de la mise en scène envoûte toujours autant. Qu'importe le caractère ténu de la trame (le film dure à peine plus d'une heure...), ses fragments épars et ses pointillés proliférants, les gorgées de soju vous enivrent à nouveau d'une mélancolie sans retour, tout comme le noir et blanc cotonneux dont Hotel by the River avait déjà sublimé les effets.
Sauf qu'à la figure de l'effacement succède dans Introduction celle de la jeunesse, mais une jeunesse instable, malhabile, à l'image de l'allure dégingandée de Youngho, un apprenti-acteur dont les grands yeux embués pourraient résumer toute la tendresse du monde si le regard ne semblait pas parfois happé par le vide. En trois temps, ou plutôt trois motifs reliés par un continuum chronologique pour le moins incertain, ce personnage jongle entre attentes, espoirs et frustrations.
Le voici patientant dans le cabinet médical de son acupuncteur de père pour un face-à-face qui n'adviendra jamais, puis à Berlin où son ancienne petite amie (Mi-so Park, visage à la fois discret et intense...) semble être passée à autre chose. Dans un hôtel balnéaire, enfin, Youngho rejoint sa mère lors d'une séquence à haute teneur alcoolisée au côté d'un vieil acteur qui lui fait la leçon parce que le jeune homme s'est trouvé embarrassé lorsqu'il a joué une scène de baiser...
Cet embarras de lui-même, c'est la raison d'être de Youngho, intrus perpétuel seulement voué au plan incrust dans chacune des trois parties du récit, lesquelles sont d'abord investies par les personnages secondaires. Savourant une soudaine chute de neige ou optant pour un bain de mer aussi glacial qu'inopiné, il est la contigence incarnée, toujours en zigzag alors que les adultes, eux, marchent droit, même quand ils ont un coup dans le nez. De quoi renouveler dans l'épure l'univers d'Hong Sang-soo à travers le passage sensible et tout en délicatesse d'une génération à l'autre.
Introduction, Hong Sang-soo, Ours d'argent du meilleur scénario au festival de Berlin, sortie en salles ce mercredi 2 février