Lundi 14 septembre 2009 par Ralph Gambihler

Hotel Woodstock

Quelle fraîcheur, soudain, sur les écrans ! Avec "Hôtel Woodstock ", passé un peu inaperçu au dernier festival de Cannes, Ang Lee renoue brillamment avec ce vent de liberté et d'émotion dont on sait sa caméra capable depuis "Le secret de Brockeback Mountain ", même si entretemps il s'était enlisé dans le désastreux "Lust, Caution ".

C'est par le biais de la comédie que le réalisateur américano-taïwanais revient au sommet de son art...Comme le titre du film l'indique, "Hôtel Woodstock " a pour cadre le célèbre festival hippie d'août 69 qui devait rassembler, dans une véritable orgie de musique et de contestations, plus de 500 000 jeunes agglutinés dans une contrée reculée de l' état de New-York. Mais à vrai dire, Ang Lee n'a que faire du concert en lui-même... Ce qui l'intéresse, c'est l'extraordinaire destin d'Elliot Tiber, un jeune gay introverti qui va transformer le motel délabré de ses parents en lieu d'accueil pour les organisateurs du concert tandis que son voisin, un fermier compréhensif,  consent, lui, à prêter son grand terrain.

Le film s'attarde surtout sur le choc des cultures entre cette jeunesse américaine aux idées larges qui afflue à Woodstock et les gens du village blindés dans leurs préjugés... Entre les deux, les parents juifs d'Elliot, et notamment son insupportable et irrésistible maman, vont jouer un rôle déterminant dans la réussite de l'entreprise... La réussite du film, elle, réside surtout dans l'énergie d'une mise en scène qui va à cent à l'heure. Le recours au split screen qui divise l'écran en plusieurs cadres traduit d'ailleurs parfaitement cette urgence de l'instant qui donne son rythme à "Hotel Woodstock ".

Ce qui est montré de l'événement lui-même a d'autant plus d'impact,  et on pense bien sûr à cette magnifique séquence à la "Macadam Cow-Boy " où le personnage principal, retenu par un trip acide très loin de la scène centrale, contemple les festivaliers dansant sous la pluie et englués dans la boue... Il y a enfin cette générosité des personnages (l'ex-combattant du Vietnam, le producteur cool, le travesti blond qui joue les agents de sécurité, la hippie qui ne comprend pas pourquoi il faut se donner une "perspective" dans la vie...) qui rappelle certains films de Robert Altman, avec à la clé un parfum de nostalgie extraordinairement fécond sur le plan politique.

Comme dans "Brockeback Mountain ", mais sur un mode plus léger et pas forcément moins anodin, Ang Lee met en scène une Amérique rêvée transcendant dans l'épanouissement d'une génération toutes ses aliénations, qu'elles soient d'ordre moral ou familial... On ne sait pas très bien, au générique de fin, si on aurait aimé, nous aussi, patauger dans la boue, à Woodstock, il y a de cela 40 ans... Ce dont on est sûr, c'est que la façon dont le couvercle s'est refermé ensuite, ne serait-ce qu'à travers les violences qui devaient marquer le concert d'Altamont des Rolling Stones, quelques mois plus tard, donne d'autant plus de valeur à ces années là... C'est tout le mérite d'Ang Lee que d'avoir joyeusement ressuscité cette épopée en la filmant sur ses bas-côtés, en quelque sorte, tout en nous donnant l'impression d'être au coeur de l'événement.

Hôtel Woodstock, d'Ang Lee (Sortie en salles le 23 septembre)