HHhH au théâtre
Pas évident, à-priori, l'adaptation sur scène de ce HHhH qui valut à Laurent Binet, il y a deux ans, le Goncourt du 1er roman. Laurent Hatat s'y est pourtant attelé avec brio, d'abord lors du festival Off à Avignon, puis sur la scène du théâtre de la Commune d'Aubervilliers où son approche dramaturgique et sa direction d'acteurs participent d'une relecture féconde, originale et poignante. Etait-elle verte ou noire, la Mercedes dans laquelle Reinhardt Heydrich allait rencontrer son destin, ce jour de mai 1942 ?
On se souvient à quel point cette question, entre autres, taraudait Laurent Binet lorsqu'il tentait, dans "HHhH", de reconstituer l'attentat qui devait coûter la vie au bourreau de Prague sur lequel Hitler fondait tant d'espoirs. Le romancier se contorsionnait de partout pour transposer au mieux l'événement. Sans aplatir, sans esthétiser, sans tricher avec le réel, surtout, il mettait à nu ses tourments d'auteur face au "miroir sans tain de la réalité historique".
Au Théâtre de la Commune, Laurent Hatat rend compte de cette intimité douloureuse entre réalité et fiction en se mettant du côté de l'intime, justement. Sur scène, un grand lit qui éclaire les acteurs par un habile jeu de lumières. Olivier Balazuc campe l'auteur en plein doute tandis que Leslie Bouchet joue sa compagne d'abord compatissante, puis de plus en plus excédée par cet Heydrich devenu carrément envahissant au pieu. A l'arrière-plan, défilent en vidéo des extraits du roman, des photos, des titres d'autres livres... Mais la tempête amoureuse a raison, bientôt, de ce beau dispositif. Le lit "éclate", pour ainsi dire, sur un plateau progressivement dévasté.
La rupture consommée, Olivier Balazuc se retrouve seul face au public, enfin prêt à délivrer, dans un jeu proche de la transe, l'épopée des deux résistants-parachutistes qui vont tuer l' infâme chef nazi. Tout en palpitations, l'acteur nous rend son récit d'autant plus palpant. Le qualificatif vaut autant pour la pièce que pour le roman.
"HHhH", mis en scène par Laurent Hatat, au Théâtre de la Commune d'Aubervilliers, jusqu'au 26 octobre. Coup de projecteur avec le metteur en scène, ce mardi 16 octobre (7h30, 11h30, 16h30), sur TsfJazz.