Dimanche 9 mars 2014 par Ralph Gambihler

Her

Un corps embarrassé, maladroit (lunettes, moustache, chemise à carreaux...), celui de Joaquin Phoenix déprimant gentiment suite à une rupture sentimentale. Une voix éraillée, suave, acidulée, celle de Scarlett Johannson qui n'apparait pas une seule fois à l'écran, et pour cause ! Elle joue le rôle d'un ordinateur. Une vraie puce, cette Samantha -c'est le nom de la machine- même si c'est une puce informatique...

Dans le scénario délirant concocté par Spike Jonze (auteur du non moins délirant Dans la peau de John Malkovich), elle se donne pixel et âme à son acheteur mélancolique, jouant tour à tour la candide, la futée ou la torride au gré d'orgasmes façon hot line... Il l'emmène partout, sa tablette: en ville, à la montagne, à la plage, le coeur enflammé, l'oreillette branchée en permanence. Si virtuelle soit-elle, cette nouvelle compagne lui fait redécouvrir d'un autre oeil ses lieux de prédilection. Il change lui aussi. On appelle ça l'amour.

Auréolée d'une poésie qui n'est pas sans rappeler l'univers d'un Michel Gondry, la mise en scène suspend tout jugement. On peut fort bien trouver effrayante de déshumanisation cette romance à un seul corps dépouillée de toute effusion charnelle ou, au contraire, chavirer d'émotion en assistant à ce climax du coeur que Spike Jonze enrobe dans un Los Angeles futuriste délicieusement cosy, ouaté et essaimé d'images de synthèse tournées à Shanghai. Ce décor solaire et rougeoyant rend d'autant plus poignant le spleen qui envahit l'écran. Surtout quand la voix de Scarlett prend une tonalité désespérée. Ce ne sont pas les sentiments qui évoluent devant la caméra de Spike Jonze, mais plutôt ceux qui les éprouvent...

Seraient-elles toutes les mêmes, intelligences artificielles y compris, avec la "bonne copine" (Amy Adams, étonnante de sobriété...) pour seul et tiède horizon du mâle en crise? Tel Joaquin Phoenix observant du haut d'un building le lever du jour, on se sent parfois bien humble dans le meilleur des mondes.

Her, de Spike Jonze (Sortie en salles le 19 mars)