Hamlet/Ostermeier
Il fait toujours un peu froid chez Thomas Ostermeier... Mais quelle puissance, tout de même ! Quelle densité dans le propos et surtout dans la mise en scène ! Le "Hamlet" que le directeur de la Schönbuhne de Berlin propose sur la scène des Gémeaux, à Sceaux, est un big bang shakespearien à lui tout seul...
Nous sommes passés au 21ème siècle, effectivement, à travers ce prince danois destroy déplumé de tout romantisme, complètement parano, et qui se vautre dans le sang et la boue tout au long du spectacle... Plus qu'un Hamlet trash, c'est un Hamlet crash que l'on découvre dans les traits grossis et cauchemardés de Lars Eidinger, qui traduit avec une force magnifique tout l'effroi que son personnage inspire, aux autres et aussi à lui-même...
Un Hamlet-crash qui s'écrase donc, incapable d'agir et de se placer dans un royaume plongé dans les ténèbres de l'âme... La folie d'Hamlet, feinte ou réelle, n'est qu'une suite de mauvais songes d'une nuit d'hiver, et ce n'est pas la triste Ophélie, incarnée ici par une comédienne jouant également la traitresse reine-mère, qui va aérer l'ambiance... Ne ferait-elle pas elle-même partie du complot ourdi par tous les ennemis d'Hamlet, la dame aux nénuphars? Pour traduire ces intuitions orwelliennes genre "Shakespeare is Watching you", Thomas Ostermeier a recours à des vidéos qui grossissent les traits des personnages tout en se confondant avec leur jeu sur scène...
Le metteur en scène allemand a surtout signé un prologue de son invention en imaginant l'enterrement du père d'Hamlet, sous la pluie, avec apparemment une sérieuse difficulté à descendre le cercueil dans le caveau, le tout enrobé dans une musique qui monte crescendo... Rien que pour cette ouverture qui fera certainement date dans l'histoire du théâtre contemporain, il ne faut surtout pas bouder le Hamlet d'Ostermeier...
Hamlet, mis en scène par Thomas Ostermeier, au théâtre des Gémeaux de Sceaux (Hauts-de-Seine) jusqu'au 8 février