Groove du jour
Le jazz cause commune, par-delà les origines. Le Yes ! Trio qui réunit depuis quelques années le batteur Ali Jackson, le pianiste Aaron Goldberg et le contrebassiste Omer Avital en est l'un des condensés les plus vivifiants du moment.
Issue d'une lignée de musiciens africains-américains, Ali Jackson a été le batteur attitré de Wynton Marsalis avant de s'établir du côté de Toulouse. Brillant rejeton d'une famille juive de Boston, Aaron Goldberg a longtemps cheminé avec Joshua Redman avant de prendre l'ascendant que son érudition et sa richesse harmonique autorisent. Le syncrétisme musical d'Omer Avital, enfin, emprunte autant au bebop qu'à ces propres racines mêlées, lui qui est né en Israël d'un père marocain et d'une mère yéménite.
Ces trois-là se sont connus dans les années 90, jeunes lions du Smalls Jazz Club, ce temple du renouveau new-yorkais dont Omer Avital est alors l'un des piliers. Chacun, ensuite, fait sa route, jusqu'à se retrouver à vif, en studio, quelques quinze années plus tard, sans rien avoir préparé et avec pour seules offrandes l'amitié, l'énergie et la chaleur humaine. Peut-être aussi l'envie de retravailler quelques fondamentaux quand le jazz, parfois, s'égare à trop vouloir se réinventer.
Il n'est guère étonnant du coup de retrouver dans ce Groove du jour, 2e opus du trio enregistré à Meudon, des sensations qu'on avait déjà ressenties au printemps à l'écoute du Come What May de Joshua Redman au côté duquel Aaron Goldberg faisait déjà preuve d'une densité narrative remarquable: délices du swing together, jazz de bande sans prise de tête, plaisir de retrouvailles qu'il ne s'agit surtout pas d'étouffer dans une compétition des ego ou une technicité trop voyante...
Une reprise soyeuse de I'll Be Seeing You, mais aussi des compos classieuses à commencer par le C'est Clair de Omer Avital, ballade aussi envoûtante que le tambourin d'Ali Jackson qui signe également le virevoltant Muhammad's Market... Plaisir à tous les étages dans cet album gorgé de punch et de sensibilité, jusqu'aux deux derniers titres, Flow et son incrust Giant Steps harponnée par la contrebasse fantasque d'Omer Avital, et Bed Stuy, blues aussi doux qu'entraînant sublimé par ces autres Variations Goldberg que l'ami Aaron porte au firmament. Yes ! Mille fois Yes !!
Groove du jour, Yes! Trio, Jazz&People