Ema
Une amazone sur nos écrans. Un brasier également, dans tous les sens du terme. Au creux de l'hiver embrumé mais étrangement coloré de Valparaiso, Ema, blonde platine au regard d'acier, arpente les rues avec un lance-flamme et danse avec ses propres loups aux rythmes du reggaeton. Son chorégraphe de mari a du mal à la suivre, surtout lorsqu'elle rêve de récupérer l'enfant qu'ils ont tous deux adopté avant de le rendre parce que le gamin avait lui aussi tendance à jouer avec le feu, d'une certaine manière.
Voilà bien le genre de tempérament-énigme, entre la braise et l'abîme, dont raffole Pablo Larrain. Déjà dans Neruda et Jackie, le cinéaste chilien fragmentait avec brio des profils que d'aucuns voudraient lisser en fonction de telle ou telle mythologie. Pur personnage de fiction cette fois-ci, Ema électrise et court-circuite tout autant ce qui l'environne. Une scène d'insultes avec son mari se termine par un "Je t'aime". Un plan machiavélique pour récupérer le môme de son cœur -elle entreprend de séduire chacun des deux nouveaux parents adoptifs- se prolonge dans l'utopie d'une famille plus que recomposée.
À cet être insaisissable fait écho une interprétation saisissante, celle de Mariana Di Girolamo, tour à tour inquiétante et poignante, le jeu tout en lames et en entrelacs. On retrouve à ses côtés, et dans le rôle du mari, un Gael García Bernal élégant à souhait malgré ce que son personnage a de parfois pathétique. Mise en scène impétueuse de Pablo Larrain, jamais en surplomb au regard des errances d'Ema, jusqu'à façonner autour de ce personnage de danseuse une chorégraphie aussi hypnotique que la B.O. signée Nicolas Jaar.
Difficile, enfin, de pas penser à un certain contexte politique. Quand Ema et ses copines danseuses affichent leur libertinage en groupe sur fond de bisexualité triomphante et qu'elles s'adonnent au reggaeton, cette musique méprisée dans les beaux quartiers, un parfum de révolte consume l'écran. Le film est sorti au Chili un mois à peine avant la grande mobilisation populaire du mois d'octobre.
Ema, Pablo Larrain (Sortie en salles le 2 septembre)