Elle a menti pour les ailes
De Garance, son héroïne, Francesca Serra écrit qu'elle est d'abord un "tourbillon de troubles sans importance, de vie sans conscience ". Fille d'une professeure de danse, elle rêve de se faire une place au lycée. Voilà justement qu'une autre lycéenne, autour de laquelle s'est formée une véritable cour, la connecte via Instagram et l'invite à une soirée donnée pour Halloween. Quelques chapitres plus tard, Garance a disparu.
C'est en découvrant ses comptes Instagram, Facebook, Snapchat, que l'on comprend ce qui s'est passé. Jamais en surplomb par rapport à Garance, Francesca Serra déroule un cycle vertigineux : rites initiatiques, harcèlement sur les réseaux, identité numérique prenant la place de l'identité tout court... La romancière cerne au scalpel les traits des premiers-nés de l'ère Internet.
"Google leur a donné l'univers en images, Facebook leur a appris à se considérer eux-mêmes comme des images. C'est des petits capitalistes, elles savent qu'elles ont un prix, ces images ! ", fait-elle dire à l'un des enquêteurs qui tentent de retrouver la trace de l'adolescente. Quelques longueurs vers la fin du récit, notamment lorsque l'héroïne fuit à travers champs, mais elles ne nous feront pas oublier de sitôt Garance qui, telle la Carrie de Brian de Palma dans un autre contexte, se rêvait reine du bal lors d'une soirée Halloween.
Elle a menti pour les ailes, Francesca Serra (Editions Anne Carrière), prix littéraire Le Monde 2020.