Lundi 29 octobre 2012 par Ralph Gambihler

El Tiempo de la Revoluciòn

Est-ce parce qu'il n'a plus rien à prouver qu'Erik Truffaz vient de nous offrir son plus bel album ? Le titre de son nouvel opus laisse en tout cas bien rêveur tant le disque est d'abord placé sous le signe d'une sérénité inquiète, d'un aquoibonisme gorgé de mélancolie et d'une succession de climats propres à apaiser bien des tourments.

Aux antipodes d'un "Avanti !" et autres "Adelante !" dont le fougueux Giovanni Mirabassi s'est fait le champion exclamatif, Erik le Rouge (mais un rouge qui n'a rien d'écarlate)- "révolutionne" donc autrement. Ses notes d'intention suggèrent que c'est plutôt dans les pointillés mêmes de nos repères intimes et du cycle dans lequel ils s'inscrivent qu'il est allé dénicher de quoi chalouper autrement contre les lois cumulées de la jungle et du fric. On peut ricaner de cette indolence portée en bandoulière face aux fonceurs et aux cyniques.

On peut surtout trouver que le légendaire sourire peiné du trompettiste franco-genevois et sa non moins fameuse "cooltitude"  allergique au moindre tape-à-l'oeil peuvent s'avérer aussi désarmants qu'une bouillante tirade mélenchoniste... Un groove bien territorialisé en ce sens qu'il n'a rien d'atlantiste, des lignes drum'n'basse qui filent vers des horizons lointains au carrefour de la soul et du funk, des effluves de claviers délictueusement tempérés ("Revolution of time") et de réverb' à lampe réinventant les fleurettes africaines ("African Mist") nous embarquent ainsi dans une musique en pleine lévitation sur elle-même, jusqu'à ce son de trompette soudainement solitaire, ou presque ("Un souffle qui passe"), comme un délié d'automne après un été fiévreux...

Qu' Erik Truffaz baptise cela "pop instrumentale" plutôt que "jazz" nous importe peu, finalement. Son quartet de toujours, ou presque, ( Marc Erbetta à la batterie et aux percussions, Marcello Giuliani à la basse et Benoît Corboz qui a pris la relève de Patrick Müller aux claviers, en 2010)span> ne déroge en rien à l'esprit voyageur de l'écurie Blue Note dont il reste le flegmatique ambassadeur européen avec, à ses côtés et sur trois morceaux, une chanteuse bâloise, Anna Aaron, dont le timbre langoureux ("Blow Away") sensualise encore d'avantage la Révolution selon Truffaz.

"El Tiempo de la Revoluciòn", Erik Truffaz (Emi/Blue Note)... Le trompettiste sera l'invité des Lundis du Duc, sur TsfJazz, le lundi 5 novembre, avant de donner un concert privé retransmis sur notre antenne.