Lundi 12 octobre 2020 par Ralph Gambihler

Drunk

Boire et revivre. Voilà bien l'étrange lubie à laquelle se livrent les quatre profs de Drunk. Rattrapant au vol la théorie d'un obscur psychologue norvégien pour qui nous souffrons tous d'un déficit d'alcool dans le sang d'environ 0.5 g par litre, nos loustics appliquent l'ordonnance à la lettre, conjurant par la même occasion leur crise de la cinquantaine. L'ivresse est d'abord bien joyeuse devant la caméra de Thomas Vinterberg, et aussi désinhibante qu'un repas de famille en mode Festen, son premier succès, avec plein de secrets explosant au grand jour.

Mais l'ivresse n'est pas toujours joyeuse. Si elle possède des vertus insoupçonnées en milieu scolaire (Churchill accessible à toute une classe, la bonne gorgée nécessaire juste avant de passer l'examen...), elle peut aussi faire sombrer un mariage qui bat déjà de l'aile tout en masquant à peine une solitude dans l'impasse. La mise en scène oscille entre ces exultations masculines et un petit côté "regarde les hommes tomber" un poil trop surligné, surtout au regard de personnages féminins quelque peu convenus. Vinterberg a en même temps tout le savoir-faire requis pour éviter certaines glissades. Sa caméra, elle, ne titube jamais.

Elle est même dotée d'un sacré punch dans le registre de la fantaisie et de la chaleur humaine, voisinant avec l'humour d'un Denys Arcand lorsqu'il filmait, dans Le Déclin de l'empire américain, des personnages un peu similaires qui se libéraient vraiment en finissant par regarder leurs fragilités en face. L'ex-méchant de Casino Royale, Mads Mikkelsen, incarne avec émotion ce parcours aussi coloré qu'une cuite au Sarezac, le cocktail emblématique de la Nouvelle-Orléans, avant qu'il ne s'achève sur une scène d'anthologie.

Drunk, Thomas Vinterberg (sortie en salles ce mercredi 14 octobre)