Vendredi 17 mai 2019 par Ralph Gambihler

Douleur et gloire

Les autoportraits de cinéastes en crise ont inspiré bien des sommets: Le Huit et demi de Fellini, évidemment, mais aussi Stardust Memories, de Woody Allen. C'est au tour de Pedro Almodovar de s'atteler à cet exercice qui vaut généralement consécration. Le résultat peut surprendre. Aux antipodes de sa réputation d'extraverti, le réalisateur de Talons Aiguilles nous livre une mise à nu en creux, dépouillée de tout accent baroque. Le ton est résolument introspectif, sobre, et malheureusement peu probant.

Un réalisateur taciturne et souffreteux (campé avec tact par Antonio Banderas...) profite d'une rétrospective de son œuvre à la Cinémathèque pour se réconcilier avec l'un de ses anciens acteurs. Quand ce dernier l'initie à l'héroïne en mode fumette, c'est toute une panoplie de souvenirs d'enfance qui revient en force, sans parler du retour miraculeux d'un ancien amant argentin.

De ce puzzle mélancolique émergent quelques moments d'émotion: Penelope Cruz, par exemple, en jeune maman désargentée élevant son gamin lorsque le film opère en flash-back. Le tableau de chasse féminin de Douleur et Gloire étant réduit pour ainsi dire à sa seule présence, on s'y ressource avec un certain empressement. Les séquences où l'enfant se laisse troubler par un jeune maçon à qui il apprend à lire et à écrire séduisent également par leur délicatesse et leur sensibilité.

On n'en dira pas autant des tourments de l'âge mur. Almodovar les filme sans swing, sans relief. Au motif que le spleen ainsi mis en scène se veut apaisé, l'ennui chemine, peu à peu, jusqu'à réveiller chez le spectateur la nostalgie d'une filmographie dont les boursouflures n'avaient pas encore dissipé les attraits picaresques.

Douleur et gloire, Pedro Almodovar, Festival de Cannes 2019, sortie en salles ce vendredi.