Coupez !
L'humour supposé de son premier OSS 117 relevait de l'énigme, The Artist suait d'académisme et on préféra à l'époque se tenir assez loin de son approche de l'épopée Godard dans Le Redoutable. Autant dire qu'entre nostalgie et dérision, la cinéphilie buissonnière de Michel Hazanavicius nous a toujours paru peu inspirante, sauf à la dénicher paradoxalement dans son film le plus austère, The Search, ou la figure dansante d'un gamin inspiré de The Kid irriguait une œuvre au noir sur le conflit tchétchène.
Les zombies de Coupez ! changent la donne. Remake d'une comédie horrifique japonaise transformée en phénomène par le bouche-à-oreille, le film débute au galop sur le tournage bringuebalant d'une série Z dont les morts-vivants font peine à voir. Ça joue faux, les répliques se succèdent d'une étrange manière, la caméra gigote dans le vide... Le réalisateur ultra-cocaïné (Romain Duris) qui tente vaille que vaille de maintenir l'entreprise debout est lui-même au bout du rouleau.
Un retour en arrière, puis le même tournage mais cette fois en mode making-of éclairent tout autrement la très déconcertante première demi-heure du film. Le Tarantino en toc n'était que faux semblant, Hazanavicius déroulant en lieu et place sa propre Nuit américaine avec des personnages tour à tour farfelus et émouvants, sans oublier un casting fascinant. Il fallait oser confier à Bérénice Bejo, compagne d'Hazanavicius dans la vie, le rôle de la femme frustrée du cinéaste qui retrouve soudain un premier rôle en raison de la tournure prise par le tournage.
On savoure également Jean-Pascal Zadi en bras cassé de la B.O et Finnegan Oldfield dans la peau d'un comédien cérébral qui s'est apparemment trompé de film. Plus fougueux, certes, que réellement tordants, les zombies d'Hazanavicius participent surtout, ici, d'une sorte de cinéma des tréteaux où l'esprit de troupe bricole du rêve comme le faisaient à leur manière les héros de Michel Gondry dans Soyez sympas, rembobinez. De quoi conforter le réalisateur de Coupez ! à la périphérie d'un certain cinéma d'auteur, ce qui n'amoindrit en rien la pertinence de son propos et les trésors d'ingéniosité avec lesquels il le déploie sur grand écran.
Coupez !, Michel Hazanavicius, ouverture du Festival de Cannes (le film est sorti en salles hier)