Clôture en beauté du 20e Reims Jazz Festival...
Se faire étriller 3-0 à domicile par le PSG, ça fait désordre... Ouvrir un village de Noël sans la grande roue promise dans un premier temps n'est guère plus glorieux sans parler de cette ENORME faute d'orthographe sur le nom du défunt président lorsque a été inaugurée (par une mairie socialiste, pourtant !) l'esplanade François-Mitterrand... Raison de plus, amis rémois, pour veiller comme à la prunelle de vos yeux sur ce qui est, en revanche, un vrai motif de fierté pour la ville, à savoir le Reims Jazz Festival.
Et pourtant, l'objet est rare, fragile (Une subvention divisée par trois en l'espace de deux ans, le jazz expulsé manu militari des Flâneries, l'autre grand festival musical de l'année...) et aujourd'hui convalescent grâce à l'abnégation de l'association Jazz 51 et au renfort de quelques mécènes à bulle dans la cité du Champagne. De quoi justifier bien des efforts pour protéger, restaurer et entretenir un événement qui mériterait d'être couvé avec la même ardeur que celle dont bénéficient les sublimes vitraux bleus de Chagall dans la cathédrale des Sacres. On peut en tout cas faire confiance à Francis Le Bras pour tenir le cap. Pianiste et co-fondateur du label Vent d'Est, le directeur artistique du Reims Jazz Festival n'a rien perdu de l'esprit aventureux, innovant et généreux qui était le sien naguère lorsqu'il animait Le Croque-Notes, un club mythique à Reims.
De l'énergie pétillante du Moutin Reunion Quintet ( le caractère encore parfois hybride de cette nouvelle formation va évidemment se bonifier de concert en concert...) au jazz aérien et ciselé du guitariste Mike Felberbaum, la clôture de cette 20e cuvée a ainsi tenu toutes ses promesses. De beaux projets ont également vu le jour, à commencer par le Birds of Paradise d'Olivier Py.
Le disque vient de sortir. Epaulé par Franck Vaillant à la batterie et Jean-Philippe Morel à la contrebasse, le saxophoniste de "Caroline", le groupe de Sarah Murcia, signe une adaptation fougueuse des relevés de chants d'oiseaux d'Olivier Messiaen. Sur le papier, on a un peu peur, surtout qu'entre Messiaen et le jazz, cela n'a jamais été le grand amour. A l'arrivée, on se retrouve avec un groupe qui prend parfois, instruments mis à part, les accents d'un véritable Power Trio, les oiseaux en question volant par tous les cieux, y compris les plus orageux.
Coup de chapeau, enfin, à l'artiste résident du festival. Le contrebassiste Olivier Sens avait convié, au départ, le pianiste Yaron Herman et le bandéoniste Juanjo Mosalini (le fils de Juan José Mosalini, grande figure du tango argentin) pour une aventure à trois entre jazz, tango et électro... Le forfait de Yaron, handicapé par une douleur au bras, a transformé l'aventure en duo auquel se sera joint un étrange 3e partenaire en la personne d'un ordinateur manipulé à distance et réagissant musicalement aux sonorités émises par les deux instruments.
Résultat: une prise de contact entre musiques latines et rythmes électro fructueuse en émotions, en inventivité et en tempos fluctuants. Jusqu' à ce gag de la commande audio maquillée en Game Boy que le bandéoniste sort de son chapeau pour donner une ambiance encore plus SF au concert. De quoi repartir enchanté du cellier de Cazanove où déjà, à l'entrée, chaque spectateur s'était vu offrir une coupe de champagne.
20e Reims Jazz Festival (14 novembre-23 novembre 2013)