Chronique d'hiver
Reproduction d’un mail envoyé à la belle âme du 10h/14h sur TSFJAZZ, Laure Albernhe, au sujet du nouveau récit de Paul Auster, "Chronique d'hiver" (Actes Sud) dont elle m'a chaudement recommandé la lecture.
Mail à une "austérienne", Les "austériennes" n'ont rien d'austère. La preuve avec toi, déjà, et aussi avec cette "Chronique d'hiver" suave et mélancolique qui me reconnecte enfin avec un Paul Auster que j'avais un peu renoncé à aimer depuis ses premières épiphanies littéraires ("La Trilogie New-Yorkaise", "Léviathan"...) Et là, miracle ! Des cicatrices, le sang qui circule enfin, une voix qui a du grain.
On est avec lui dans les maisons où il a vécu et auprès des femmes qu'il a aimées (celles, par exemple, qui ont éprouvé "un intérêt occasionnel pour son esprit, un intérêt sporadique pour son corps, mais jamais le moindre pour son coeur")... On frissonne également, mais on peut aussi s'en amuser ou s'en attendrir, au sujet de ce corps qui lui sert à dire la fuite du temps, les belles choses à ne pas oublier, ou alors les caprices de l'organisme qui reflètent ou qui devancent, parfois, les humeurs de l'âme.
Il a raison, Paul Auster ! Il ne faut surtout pas négliger de mentionner qu'il a failli mourir étouffé par une arête de poisson en 1971 ! Elle en dit long, dans tous les sens du terme, cette fameuse arête... J'adore également quand il cite Joyce qui répondait à l'une de ses fans qui était si émue de lui serrer la main: "Permettez moi de vous rappeler, Madame, que cette main a aussi fait bien d'autres choses"...
Et puis il y a ce passage sublime sur le spectacle de danse dépourvu de musique auquel il assiste et pour lequel une chorégraphe s'épuise à expliquer l'indicible. Et là, c'est le jazzfan qui s'exprime, évidemment, lorsqu'il lâche: "Ecrire commence dans le corps, c'est la musique du corps, et même si les mots ont un sens, s'ils peuvent parfois en avoir un, c'est dans la musique des mots que commence ce sens"... Bon, pour être un peu objectif, je trouve parfois que tout n'est pas d'un niveau égal dans cette chronique d'hiver et que comme Auster lui-même le fait quelquefois, il m'est arrivé de compter les merles à certains moments, mais l'émotion est bien là, à l'image de cette relation si authentique avec celle dont il partage la vie depuis 30 ans.
Une femme qui ne se la raconte pas. Qu'il n'a donc pas besoin de réinventer à chaque instant. Qui s'invente elle-même aux yeux de son mari et amoureux... J'ai eu aussi une drôle d'impression vers la fin du bouquin. Je le lisais avec tes propres yeux ! Comme si, du peu que je sais de ce qu'est ta vie perso aujourd'hui, une "austérienne" lisait par-dessus mon épaule... C'est seulement après que j'ai lu ton culte blog... Et c'était comme si j'en avais anticipé chaque mot ! Merci en tout cas de ce bon conseil de lecture, bisous et bonne journée !!!
Lt
"Chronique d'hiver", de Paul Auster, éditions Actes Sud.