Dimanche 17 décembre 2023 par Ralph Gambihler

Chien de la casse

Ce personnage là, on ne l'avait encore jamais rencontré à l'écran. Pareil pour l'acteur. Dans Chien de la casse, Raphaël Quenard joue Mirales, un jeune paumé dont le bagout et l'allure avenante dissimulent bien des failles.  Comment parvenir à le situer, ce dealer dégingandé affublé d'un jogging rose ? Pourquoi semble-t-il souvent si seul alors qu'il pourrait séduire tant de filles ? À quoi rime son CAP de cuisine alors qu'il cite allègrement Montaigne et Hermann Hesse ? Quel est enfin le sens exact de son amitié avec Dog, son pote bien plus introverti qu'il prend étrangement plaisir, parfois, à humilier ?

La niaque toute fêlée de Raphaël Quenard, son sourire aussi enjôleur que déglingué, ainsi que sa voix étrangement voilée dont l'accent vient d'on ne sait quelle contrée, ne sont pas de trop pour épaissir toutes ces énigmes. La mise en scène à la Bruno Dumont de Jean-Baptiste Durand fait le reste. À la fois âpre et minutieusement travaillée, elle fait surgir, depuis ce village du sud de la France où il plante sa caméra, une jeunesse et une ruralité qui sonnent prodigieusement juste, sans clichés, sans discours politique préfabriqué.

Une fontaine de village, une rue vide, des immeubles de cité non loin de là... Chaque plan possède sa dose de densité, mais aussi sa respiration propre pour raconter le désœuvrement, les désirs éteints, ou alors ceux qui ont été refoulés. Une fille s'incruste dans le cadre. Elle a les traits mutins et futés de Galatéa Bellugi. Elle sonne tellement vrai, elle aussi, jusqu'à être parfaitement hermétique à la tchatche de Mirales. C'est avec Dog, campé par le poignant Anthony Bajon, qu'elle va vivre une histoire. Deux gars, une fille... un chien, également, dont le scénario soigne le rôle avec, là encore, un sens de l'émotion qui fait mouche. Chien de casse est un pur bijou. Le 2e grand film français de l'année, après Anatomie d'une chute.

Chien de la casse, Jean-Baptiste Durand (le film est sorti le 19 avril dernier)