Capitalism: A Love Story
Mais qui effraie-t-il encore ? 20 ans après avoir réussi à approcher le patron de General Motors dans "Roger et moi", Michaël Moore est soigneusement tenu à distance du siège des grandes entreprises où il tente ses traditionnels plans incrust'. Les vigiles le regardent d'un oeil amusé. On le connaît, maintenant, le zigoto. On sait comment il fonctionne et comment, d'une certaine manière, il s'est auto-institutionnalisé en poil à gratter d'un système qui a su l'absorber sans dommages. Le voilà désormais réduit, Michaël Moore, à transformer Wall Street en scène de crime autour de laquelle il déroule un méga-périmètre de sécurité... C'est très mignon, comme plan. Et en même temps, que c'est moche, en fin de compte, cette roublardise déguisée en naïveté.
C'est d'autant plus moche que derrière les grosses ficelles de son nouveau film, "Capitalism: A Love Story ", derrière la rage à piétiner tout ce qui est de l'ordre de la nuance et de la subtilité, derrière des procédés de mise en scène qui donnent au genre agit-prop une dimension presque pornographique, on trouve dans le pamphlet de Michaël Moore de la pure nitroglycérine, malheureusement mal dosée. Le réalisateur-documentariste filme une Amérique en crise. Il s'attarde longuement sur le drame des expropriations générées par le feuilleton des "subprimes" puis sur les péripéties qui ont conduit le Congrès américain à sauver les banques.
Devant sa caméra, défile également une autre Amérique, avec tous ses prolos, ses travailleurs ou alors ses simples citoyens animés de l'esprit de Roosevelt... Ce fameux Roosevelt qui, en pleine 2ème guerre mondiale, rêvait d'une 2ème déclaration des droits qui garantirait à chaque Américain les acquis fondamentaux en matière de logement, de travail et d'éducation. Cette séquence tirée des archives est sans doute le moment le plus émouvant du film, même si Michaël Moore le torpille par un commentaire encore une fois confondant consistant à expliquer tous les maux de l'Amérique contemporaine par le décès prématuré de l'ancien président.
Le film se termine par une version rock de "L'Internationale"... La trouvaille se veut à la fois militante et marquée du sceau de l'entertainment. Mais c'est justement en voulant systématiquement conjuguer ces deux axes, et sans le moindre décalage underground, que Michaël Moore se condamne à l'impasse. Il le confesse lui-même, dans le dossier de presse, lorsqu' à la question "Qu' offrez vous aux spectateurs ?" il répond : "du pop-corn et des fourches !"... La Révolution avec du pop-corn ? Mais ça va créer plein de gauchistes diabétiques, tout ça !
"Capitalisme: A Love Story" , de Michaël Moore (Sortie en salles le 25 novembre)