Border
C'est une bataille nasale de tous les jours, le job de Tina. Dotée d'un odorat à toute épreuve, cette employée des douanes au physique peu avenant a le don de "renifler", dans tous les sens du terme, les passagers qui transportent des substances interdites. Une anxiété, un sentiment de culpabilité, une volonté de dissimuler quelque chose... Rien n'échappe à ses narines dilatées.
Jusqu'au jour où surgit à la frontière Vore, un type aussi peu glamour que Tina. Ils se ressemblent à vrai dire comme deux gouttes d'eau. De quoi susciter un trouble étrange chez une douanière à la libido jusque là fortement contrariée. Relèvent-ils tous deux d'une difformité génétique commune ou alors d'une espèce à part et sexuellement hors norme ?
Étonnant récit, et mise en scène scotchante du Suédois d'origine iranienne Ali Abbasi sur "la beauté cachée des laids, des laids", comme le chantait Gainsbourg, et sur la mise au ban plus ou moins insidieuse de toute altérité lorsqu'elle tutoie le difforme. Border déploie par ailleurs de saisissants contrastes entre état de nature, animalité et civilisation sur un mode thriller inattendu, notamment lorsqu'il est question de pédophilie et de violences conjugales... On peut aussi y voir une critique des sociétés scandinaves et de ce qui s'y trame derrière le vernis du politiquement correct.
Certains débordements lyriques du récit ainsi qu'une séquence de coït à la limite du grand guignol pourront éventuellement freiner l'enthousiasme. Ali Abbasi n'en demeure pas moins un cinéaste à suivre, avec déjà dans ses bagages le prix Un Certain Regard au dernier festival de Cannes.
Border, Ali Abbasi (sortie en salles ce 9 janvier). Coup de projecteur avec le réalisateur, le même jour, sur TSFJAZZ (13h30)