Dimanche 12 avril 2020 par Ralph Gambihler

Blue birthday, Herbie !

Né le 12 avril 1940, Herbie Hancock souffle aujourd'hui ses 80 bougies. Formidable passeur et novateur, le légendaire pianiste figure aujourd'hui, aux côtés de Sonny Rollins et de Keith Jarrett, parmi les musiciens de jazz les plus connus au monde. Une reconnaissance sanctifiée en 2008 lorsqu'il avait remporté le Grammy Award du meilleur album, tous genres confondus, avec River: The Joni Letters. Voici ce qui avait été bloggé à l'époque:

"Aaaahhh! Unbelievable. That's unbelievable, man !!! "... A l' image de Quincy Jones, littéralement scotché à l'annonce du meilleur album de l' année 2007, c'est un sublime coup de tonnerre qui a retenti, cette nuit, à Los Angeles, lorsque le légendaire Herbie Hancock s'est adjugé le trophée le plus prestigieux des Grammy Awards, coiffant sur le poteau Amy Winehouse et Kanye West. Cela faisait 43 ans, depuis le fameux Getz/Gilberto en fait, qu'un album de jazz instrumental n'avait pas ainsi décroché le jackpot. Plus fort que la soul, donc... Plus percutant que la Pop, le Rap, le Rock, voilà le jazz d'Herbie qui triomphe devant plus de 17 millions de téléspectateurs américains.

Ce n'est que justice quand on connaît l' intégrité, l'exigence, la conscience et l'apport d' Herbie Hancock à "notre" histoire. "Watermelon Man", "Cantaloupe Island", "Maiden Voyage", "Speak Like a Child"... Il n'a jamais cessé de rajeunir le jazz, de lui offrir tous les prolongements harmoniques et rythmiques qui lui façonnent un avenir. Blues, Gospel, Funk, Fusion, World... Ses claviers ont tout absorbé, tandis que ses compagnonnages ont toujours eu quelque chose de "panthéonesque", de Miles à Jaco, en passant par Chick Corea, Carlos Santana, ou encore le fidèle Wayne Shorter...

Mais ce n'est pas un jazz arrogant et monopolistique qui reçoit aujourd'hui la plus belle des consécrations. "River: The Joni Letters", pour lequel il est récompensé, raconte peut-être un Herbie plus secret. Personne n'en contestera le caractère fédérateur et "électoralement payant", comme le notait malicieusement aujourd'hui sur TSFJAZZ Alex Duthil,de la revue "Jazzman", en observant à quel point Joni Mitchell est une icône de la musique américaine et que ça ne gâte rien que de réunir dans un album des invités aussi prestigieux que Norah Jones, Tina Turner ou encore Léonard Cohen...

Mais c'est justement le côté "passeur" d'Herbie, en la matière, qui émeut. Encore une fois, il saborde les frontières, il absorbe les différentes "histoires" de la musique américaine, et puis il goûte aussi au plaisir des mots de Joni, qui elle même n'a jamais cessé de renvoyer l'ascenseur, comme en témoignent ses multiples collaborations avec d'autres grands noms du jazz... Herbie Hancock n'y faisait guère attention, avant, à la musique des mots...

Il nous disait cela il y a quelques mois sur TSFJAZZ au micro de Sébastien Vidal... ça peut "parler", donc, le jazz... Alors on n'a pas fini d'en "parler", d' Herbie et de son nouveau Grammy... Comme une certaine idée de l' excellence dans le paysage parfois effarant de l'industrie musicale américaine... Comme un éclair de notes bleues scintillantes déchirant le coloris sépia où le jazz se laisse parfois cataloguer... Comme un cri de jouvence quand, sous le regard médusé de Quincy, sous les néons de L.A., surgit l' "unbelievable"  à la fois magique et définitif.

Herbie Hancock, 80 ans aujourd'hui, 12 avril 2020