Bacurau
Ce Brésil qui ne veut pas être rayé de la carte... Devant la caméra de Kleber Mendonça Filho, déjà auteur de l'excellent Aquarius, il a pour nom Bacurau, un bled paumé du Nordeste voué à une mort lente sous les assauts conjugués d'un gouverneur corrompu et de propriétaires terriens qui ont coupé l'accès à l'eau sur fond de sécheresse. Et voilà soudainement Bacurau effacé des GPS, invisible sur Internet, vraiment rayé de la carte, cette fois-ci. Un seul mot d'ordre, dès lors, s'impose aux âmes autochtones du village: Resistência !
Les feux de l'Amazonie, l'obscénité d'un Jaïr Bolsonaro et la détresse des peuples indiens dépossédés de leurs terres n'avaient pas encore atteint l'ampleur qu'on leur connaît lorsque le réalisateur brésilien a concocté pareil scénario avec son chef décorateur Juliano Dornelles. Autant dire que le genre "western futuriste" dans lequel le récit finit par se déployer prend des contours prémonitoires. Ne manquent plus que quelques "touristes" mal intentionnés pour parachever le martyr d'un certain Brésil.
Ce sont eux, les manipulateurs de GPS. "Gringos" psychopathes, massacreurs de pauvres, miliciens suprématistes dirigés par un Allemand nostalgique d'Hitler, Bacurau est leur terrain de jeu. De quoi tenter un remix des Chasses du comte Zaroff et La Horde Sauvage contre lequel seule la grande tradition des cangaçeiros, ces bandits nomades aux airs de Robin des Bois, peut faire rempart. Elle prend ici le visage du sanglant Lunga, un hors-la-loi sans pitié au-delà de son look efféminé. Bolsonaro l'homophobe en fera des cauchemars ! En attendant, ce Bacurau est porté par un souffle indéniable, même si une dramaturgie un peu sommaire en limite parfois les effets.
Bacurau, de Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles, prix du Jury à Cannes, sortie en salles ce mercredi. Coup de projecteur vendredi, avec Nicolas Schaller, critique à l'Obs, dans le cadre de notre journée Ibrahim Maalouf rédacteur en chef d'un jour.